Le médecin intensiviste est à la tête de la Direction de l’innovation et de la recherche clinique (DIRC) du CHUV. A ce titre, il rejoint le Décanat renforcé de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) comme vice-Doyen.
Médecin intensiviste, expert en neuroréanimation, Mauro Oddo a fait ses études de médecine à Lausanne. Très impliqué dans la clinique, il est aussi doté d’un solide bagage de clinicien-chercheur : deux ans de recherche fondamentale à l’Institut de microbiologie du CHUV, à quoi s’ajoutent des formations en recherche clinique à l’Université de Columbia, à New York, ainsi qu’à l’Université de Pennsylvanie, à Philadelphie. Au cours de ses périples, il a même posé ses valises à Cuba, dans le cadre d’une collaboration humanitaire du CHUV, pour l’implémentation d’une nouvelle technique de ventilation non invasive.
En 2012, Mauro Oddo a mis en place à Lausanne un groupe de recherche sur le coma, avec le soutien du FNS. Au cours de sa carrière, il a tissé un large réseau international, ce qui l’a amené à siéger au conseil de l’ESICM, l’European Society of Intensive Care Medicine. Nommé professeur ordinaire de l’UNIL en 2021, il a pris la tête de la Direction de l’innovation et de la recherche clinique (DIRC) au CHUV, en collaboration étroite avec la Faculté de biologie et de médecine (FBM). Incarnant depuis des années la recherche clinique au CHUV et à la FBM, c’est logiquement que Mauro Oddo est devenu vice-Doyen ex-officio à la Recherche clinique en août 2024. Interview.
Quels sont, selon vous, les principaux enjeux de votre secteur au sein du Décanat ?
De manière générale, il faut assurer la place de la recherche clinique à Lausanne, au sens d’une R&D, d’une activité de recherche & développement qui vise l’innovation, l’amélioration des soins et de la prise en charge des patient·es. Cela doit être un axe fort pour le couple CHUV-UNIL. Il faut en revenir à l’essence du « U », pour « universitaire », du CHUV.
Plus spécifiquement, j’identifierais deux sous-enjeux : d’abord, anticiper et accompagner le développement de cet immense domaine qui englobe la science des données, l’intelligence artificielle, la bioinformatique, toutes ces disciplines, à haute technicité, qui détiennent les clés pour les évolutions futures de la médecine. Ensuite, faire en sorte que Lausanne reste en position de leader dans le secteur des essais cliniques, et donc continuer à investir dans ce domaine.
Comment arriver à une « identité » FBM, à combiner harmonieusement biologie et médecine ?
Nous avons globalement des structures qui fonctionnent très bien, qui répondent aux besoins, aux exigences de la recherche fondamentale et de la recherche clinique. Bien sûr, il y a toujours des choses à améliorer, mais je pense qu’il faut surtout insister sur ce qui marche, et sur la complémentarité entre nos deux sections : il y a un potentiel de bonnes synergies entre la Sections des sciences cliniques (SSC) et la Section des sciences fondamentales (SSF), entre médecins et biologistes, et notre force sera de parvenir à le réaliser.
Cela dit, nous devons admettre qu’il y a des différences, irréductibles, et apprendre à les respecter : notre diversité est une richesse qu’il faut conserver. Il faut certes harmoniser les pratiques, les procédures, mais harmoniser ne veut pas dire homogénéiser. Donc pour résumer, pas de révolution, mais une évolution – j’ai beau être médecin, je ne suis finalement pas si loin de mes collègues biologistes de l’évolution !
Et vous, qu’est-ce qui vous fait vibrer, en tant que chercheur ? Ou en tant que professeur ?
Parvenir à susciter les envies, à inspirer nos étudiant·es, les jeunes médecins assistant·es qui débutent. Un de nos premiers soucis, c’est la relève, et là c’est le professeur qui s’exprime. Mais je garde toujours également un œil tourné vers la clinique, vers les patient·es, et cette fois c’est le médecin, le chercheur qui parle.
Pour résumer, le mot-clé, c’est « inspirer » : faire en sorte qu’il y ait encore des gens qui aient envie de faire ce métier, de suivre nos traces !
J’ai à la base une formation littéraire, ce n’est que dans un second temps que j’ai choisi la carrière scientifique. Et je dois dire que cette complémentarité m’est très utile, mon intérêt pour la philosophie et, plus spécifiquement, la philosophie des sciences, avec des auteurs comme Popper, Foucault, Heidegger, m’aide à prendre du recul, à marquer un temps d’arrêt, à réfléchir au quotidien. J’ai d’ailleurs toujours ma petite bibliothèque dans mon bureau.
Et parce qu’il n’y a pas que le travail dans la vie… une passion, un hobby qui vous permet de vous ressourcer ?
Il y a d’abord mon mayen, isolé dans une forêt du Val d’Hérens. Cela me rappelle mon enfance au Tessin, et j’y retrouve ce contact avec la terre… qui fait le lien avec ma grande passion : voilà 34 ans que je me rends régulièrement en Afrique australe, en Namibie surtout, pour des expéditions hors des sentiers battus, au cœur de paysages grandioses… Je suis un peu un « Swiss African » en somme.
Je citerai enfin mon autre grande passion, la musique : rock, punk, alternatif. Je me tiens au courant de l’actualité, et je suis des groupes que j’avais découverts quand j’étais à New York, comme Interpol, National. Mais je suis aussi fidèle à mes vieilles amours, comme Cure et Slowdive, ces derniers que j’ai vus d’ailleurs en février – et en famille, avec ma femme et mes deux fils – à Genève, lors du festival Antigel.