Elu le 27 février 2024 par le Conseil de Faculté, le neurologue prendra les rênes de la FBM le 1er août, succédant à Manuel Pascual. Il mettra l’accent sur la durabilité, l’amélioration de la gouvernance et les synergies entre sciences cliniques et fondamentales.
Renaud Du Pasquier n’est pas un nouveau-venu au Décanat de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) : en 2021, il était devenu vice-Doyen à la Communication, stratégie et durabilité d’un Décanat piloté par Manuel Pascual. Il n’en faisait déjà pas mystère à l’époque, il persiste aujourd’hui : « Amener la thématique de la durabilité a été ma motivation pour entrer au Décanat, souligne le professeur de l’UNIL, chef du Service de neurologie du CHUV. C’est le fil rouge de mon engagement. »
Pour autant, il ne veut pas être uniquement le « Doyen de la durabilité » : élu le 27 février 2024 par le Conseil de Faculté de la FBM pour la législature 2024-2027, confirmé le 20 mars dans son poste par le Conseil de Direction UNIL-CHUV-Unisanté, Renaud Du Pasquier identifie plusieurs enjeux de taille pour la FBM. Interview.
Sous votre impulsion comme vice-Doyen, la FBM est devenue un peu plus « verte » lors de la dernière législature : quelles principales réalisations souhaitez-vous mettre en avant ?
Notre principale réussite est la mise sur pied, en lien étroit avec le Centre de compétences en durabilité de l’UNIL, de la Plateforme durabilité et santé, une infrastructure qui vise à soutenir les projets académiques en transition écologique. Sur le front de l’enseignement, en collaboration étroite avec le Dicastère enseignement & diversité et l’École de médecine, nous sommes parvenus à inscrire un module « durabilité » dans le cursus de médecine, soit 18 heures d’ancrage que suivront tous nos étudiant·e·s. Une petite prouesse dans un programme de cours particulièrement chargé ! J’ai également contribué à la cellule transition de l’UNIL, avec des sujets comme l’occupation des locaux et les voyages professionnels. Rappelons que l’UNIL entend respecter l’Accord de Paris.
Et pour le futur ?
Le gros chantier en cours, c’est la recherche : ce secteur est un important producteur de CO2, de déchets plastiques, de produits chimiques plus ou moins toxiques, etc. Nous sommes en train de réfléchir à nos pratiques, nous avons des pistes d’action, touchant la réduction des déchets et de la consommation énergétique, notamment par des mesures simples comme la réduction de la température des congélateurs des laboratoires. Soulignons que la FBM regroupe, et de loin, la plus grande surface de labos de l’UNIL : notre Faculté a un énorme impact au niveau de l’Université, et donc une grande responsabilité, mais aussi – voyons le verre à moitié plein – un important levier d’action. Il faut le souligner, nous voyons beaucoup d’initiatives bottom-up: beaucoup de chercheur·se·s se prennent en main, réfléchissent à réduire leur empreinte carbone tout en conservant la qualité scientifique. C’est très stimulant. Des initiatives émergent aussi du côté de la recherche clinique afin de rendre les essais de Phase III plus durables. Plus fondamentalement, nous devrons nous poser la question, dans sa phase préparatoire, de l’impact écologique d’un projet de recherche : le jeu en vaut-il la chandelle ? Soit une « pesée d’intérêts » sur le modèle de ce qui se fait déjà en matière d’expérimentation animale. A ce titre, je suis convaincu que la FBM, cas presque unique au monde où une faculté réunit biologie, médecine, santé publique et soins infirmiers, a une carte inédite à jouer dans le domaine de la durabilité et de la santé : nous pouvons être en pole position au niveau international. Mais nous devons nous en donner les moyens, et nous devons aussi être prudents : il ne faut pas sous-estimer le risque de lassitude, voire d’agacement, le risque de prêcher des convertis en braquant les autres. C’est pourquoi je pense qu’il faut arriver à conserver un discours positif, pas punitif, et préserver la liberté académique.
Vous évoquez les chercheur·se·s, le corps enseignant mais la FBM intègre aussi d’autres publics, au premier chef desquels les étudiant·e·s, la raison d’être de la Faculté, ou encore le personnel administratif et technique (ou PAT), qui lui permet de fonctionner : quels messages, quelles mesures en ce qui les concerne ?
Globalement, il s’agit de poursuivre l’effort concernant l’égalité et la diversité. Concernant le PAT, élément essentiel de la FBM, nous devons lui fournir des possibilités de développement. Mais effectivement, la FBM existe avant tout par et pour les étudiant·e·s. Là aussi, des défis importants se poseront lors de la prochaine législature : où trouver de nouvelles places de stage, comment réenchanter les étudiant·e·s, notamment en médecine, dont on sait qu’un certain nombre abandonnent leurs études alors qu’ils·elles ont réussi leurs examens ? Ce sont des points qui méritent toute notre attention, mais qu’il me soit permis, ici, de faire preuve d’un optimisme non feint : j’ai eu la chance d’être invité très récemment au « Plafond », le spectacle organisé par les étudiant·e·s de 3e année de médecine. Lorsque je vois leur dynamisme, leur créativité, leurs immenses talents, je suis admiratif et absolument confiant dans notre relève !
Vous parliez de la nature hybride de la FBM ; justement, comment faire monter la mayonnaise entre biologie et médecine, une recette délicate à laquelle se sont essayés tous vos prédécesseur·e·s ?
Je reconnais la difficulté et je salue le travail de mes prédécesseur·e·s qui ont réussi à maintenir tout le monde à bord. Néanmoins, biologistes et médecins ont des cultures différentes, des modes de fonctionnement différents, des dotations différentes… Il me semble qu’en rester au statu quo n’est pas très stimulant. Cela fonctionne, cahin-caha, mais tout cela manque de souffle. Comment faire pour changer les choses ? Tout d’abord, je souhaite renforcer l’équipe décanale : le Doyen de la FBM, qui est la plus grosse faculté de l’UNIL, ne peut s’appuyer que sur quatre vice-Doyen·ne·s. Par comparaison, la Faculté de médecine de Genève – qui n’a pas la biologie – en a six ! C’est pourquoi, avec l’accord du Rectorat de l’UNIL, nous allons étoffer notre équipe avec deux vice-Doyen·ne·s ex officio : leur nomination ne s’accompagnera pas de la création de nouveaux dicastères, mais ils·elles siégeront en tant que représentant·e·s de composantes de la FBM insuffisamment incarnées actuellement, en l’occurrence la Section des sciences fondamentales et la recherche clinique. Ces vice-Doyen·ne·s auront un cahier des charges bien défini et participeront pleinement aux réunions décanales. Cela nous permettra notamment d’augmenter la représentation de la biologie, et de ne plus être noyés dans l’opérationnel, d’avoir le temps de faire de la stratégie. J’ai aussi plusieurs petites idées pour améliorer l’interaction entre médecine et biologie : réserver les bourses facultaires aux projets de recherche à cheval entre sciences cliniques et sciences fondamentales ; réfléchir à la possibilité d’offrir à des MD-PhD une double affiliation entre un département de biologie et un département clinique ; promouvoir les projets de recherche innovants, entre autres dans le domaine de la durabilité, entre médecine et biologie…
Un autre gros enjeu, c’est la gouvernance de la FBM, avec la faible marge de manœuvre du Doyen, pris entre l’UNIL, le CHUV et Unisanté. Comment y remédier ?
Sur ce point, la réponse est simple, même si le chemin pour y arriver est un peu plus ardu. Il faut que le Doyen ait une indépendance suffisante pour remplir les missions fondamentales de sa faculté, soit assurer un enseignement et une recherche de qualité. Le Rapport d’auto-évaluation de la FBM et un rapport de la Cour des comptes du Canton de Vaud, sorti en septembre 2023, parviennent aux mêmes conclusions : pour être en mesure de remplir son mandat, le Doyen de la FBM doit répondre au Recteur de l’UNIL, mais il doit être sur un pied d’égalité avec les directeurs du CHUV et d’Unisanté. La situation actuelle, où les trois institutions décident « par-dessus la tête » du Doyen de la FBM, le met dans une position difficile, avec une autonomie restreinte. Dans ces conditions, le Décanat ne peut être que dans la réaction. Autre point nodal, également souligné par les deux rapports, la transparence des flux financiers : il faut assurer la traçabilité de l’enveloppe dévolue à la recherche au sein des sciences cliniques. Cela afin de pouvoir distribuer l’argent de manière équitable entre les différents départements et services, et aussi afin de garantir une pérennité des projets de recherche, indépendante des aléas financiers des hôpitaux.
En tant que vice-Doyen, vous avez piloté la réalisation du dernier Rapport d’auto-évaluation de la FBM : cela vous a donné une vision particulièrement claire de la situation…
Tout à fait. Cela a été un travail considérable, que j’ai vécu comme un véritable apprentissage : il m’a permis de me rendre compte de la richesse et de la complexité de la Faculté. Je n’étais pas venu pour ça, mais je me suis pris au jeu. Et je dois dire que j’en ai tiré ma principale motivation pour devenir Doyen : nous avons identifié les problèmes, je veux appliquer à présent le traitement. Autrement dit, je ne veux pas en rester au diagnostic. Je suis médecin après tout !