Renaud Du Pasquier fait partie de la nouvelle équipe décanale de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l'UNIL. Le neurologue veut notamment positionner la FBM sur les questions de transition écologique.
Renaud Du Pasquier est un clinicien-chercheur pur sucre, chef du Service de neurologie du CHUV, professeur ordinaire de l’UNIL. On est donc un peu étonné d’apprendre que sa vocation pour la médecine est née d’un… malentendu: au début des années 70, alors qu’il a cinq ans, sa famille déménage à Saigon, en pleine guerre du Vietnam. Son père travaille comme délégué du CICR et, chaque jour, il le voit enfiler son brassard à croix rouge quand il se rend sur le terrain, dans un camp de prisonniers proche du 17e parallèle.
La croix rouge s’imprime sur la rétine de Renaud Du Pasquier, qui ignore un petit détail: son père, avocat de formation, travaille comme juriste au CICR. «Je croyais qu’il était médecin, et c’est le point de départ de ma motivation, s’amuse aujourd’hui le professeur. Tout vient de ce sacré brassard!»
Mais sur le chemin de la médecine, il y a de la concurrence: car Renaud Du Pasquier, amoureux de l’œuvre de Nicolas Bouvier, est fasciné par la Course autour du monde. De 1976 à 1984, ce jeu télévisé permet à de jeunes globe-trotters de partir, caméra au poing, pour tourner des reportages autour de la planète. «Les Suisses dominaient ce programme, qui a révélé beaucoup de jeunes auteurs, cinéastes, journalistes. C’était la période des Crittin, Popovic, Naftule, Dana…». Il ne rate pour rien au monde l’émission – «le samedi à 17:00» - et décide de postuler: «Je me disais que si j’étais sélectionné, je serais journaliste. Sinon je ferais médecine.»
Il va assez loin dans les éliminatoires mais finit, donc… par choisir médecine. Au début, il vise plutôt l’humanitaire, la médecine généraliste. Logique. Jusqu’à ce qu’il découvre les maladies infectieuses, notamment neurologiques: il est passionné, happé, et fait une riche carrière de clinicien-chercheur qui l’emmène de Genève à Boston, à la Harvard Medical School, avant de revenir à Lausanne en 2004. Il se spécialise dans les pathologies neuro-inflammatoires, comme la sclérose en plaques ou le neuro-VIH, en gardant toujours une activité mixte de clinique et de recherche: «J’aime cette balance entre clinique, recherche et gestion, qui va avec mon rôle d’encadrement.»
Une Faculté en transition
Pourquoi donc, avec cette vie déjà bien remplie, avoir rejoint le Décanat de la FBM, en tant que vice-Doyen à la communication, à la stratégie, à la durabilité et à la qualité? «Je suis neurologue, un représentant de la médecine spécialisée, donc, et j’adore ce métier. Idem pour la recherche, où je trouve la créativité dont j’ai besoin. Je ne renie rien, je suis ravi d’avoir fait tout cela, mais les changements environnementaux rebattent les cartes.»
D’où l’engagement de Renaud Du Pasquier pour la durabilité. Il ne s’en cache pas, c’était sa première motivation pour rejoindre le Décanat: «Nous devons réfléchir à la transition écologique également dans le domaine de la santé, susciter le débat, et agir. Comme vice-Doyen, je peux partager ma vision, avoir plus d’influence sur la marche des affaires.»
Les acteurs de la santé, en effet, devraient se sentir particulièrement concernés. Les premiers impacts du dérèglement climatique, de la crise environnementale se font déjà sentir, avec la hausse des décès liés aux canicules, à la pollution, et bien sûr le problème des maladies émergentes, devenues émergées avec le Covid-19. A quoi s’ajoute une situation géopolitique tendue, qui va peser sur nos sociétés, en termes de ressources, énergétiques, industrielles, alimentaires, sanitaires…
Dès lors, comme bien d’autres domaines, le secteur de la santé doit faire son aggiornamento: il est lui-même un contributeur significatif des désordres climatiques, responsable en Suisse de 6-7% de la production totale de CO2, soit une tonne par habitant et par année. Des constatations qui doivent inviter le secteur à repenser son activité, au sens large.
«Bien évidemment, il faut diminuer la consommation de plastique, favoriser la mobilité douce et d’autres mesures bien connues, mais au-delà, il convient de redéfinir notre pratique de la médecine et de la science, savoir renoncer à des examens peu pertinents, à des traitements discutables - une démarche qui va dans le sens de la campagne «Choosing wisely» de l’Académie suisse de sciences médicales -, intégrer une réflexion environnementale dans nos expériences scientifiques. Bref, essayer de construire un système de santé résilient, capable d’anticiper les défis qui nous attendent.»
Et là, la FBM a un rôle important à jouer, un rôle de sentinelle et de passeur: «Notre mission est de dispenser des savoirs afin de rendre biologistes, médecins et soignants conscients de ces problématiques. A leur tour, ces derniers, qui bénéficient d’un grand capital de confiance dans la population, auront valeur d’exemple et pourront jouer un rôle de porte-parole. Cela nous confère une responsabilité importante.»
Plusieurs cordes à son arc
En intégrant médecine et biologie, la FBM a en outre l’avantage d’être mieux armée pour aborder ce défi qu’une Faculté de médecine ordinaire: «Après tout, nous avons déjà une bonne partie de l’écologie au sein de notre Faculté!» Assise entre trois partenaires, l’UNIL, le CHUV et Unisanté, la FBM peut aussi servir de catalyseur aux collaborations: «La durabilité est le sujet fédérateur et transdisciplinaire par excellence, nous pouvons, et devons, faire en sorte que tout le monde travaille ensemble.»
Mais le vice-Doyen a d’autres œufs dans son panier: la communication, la stratégie et la qualité. Pour lui, la communication, outre la mise en valeur de la Faculté, peut jouer un rôle essentiel dans la cohésion entre les deux sections principales qui composent la FBM: les Sciences fondamentales, la biologie d’une part, et les Sciences cliniques, la médecine et les soins infirmiers d’autre part. Ce qui suppose que les deux sections doivent bénéficier d’un traitement équilibré.
En termes de stratégie, Renaud Du Pasquier vient appuyer le Doyen Manuel Pascual dans sa vision: il est par exemple impliqué dans la réflexion autour de la génétique médicale, avec un vaste éventail de questions allant du fondamental à l’éthique, en passant par l’organisation. Quant à la qualité, il répond en toute humilité: «J’ai tout à apprendre.»