Comment protéger la biodiversité ? En améliorant le suivi de la diversité génétique globale

La diversité génétique est cruciale pour permettre aux espèces de s’adapter aux dérèglements climatiques, mais les efforts actuels pour la monitorer en Europe sont lacunaires et insuffisants. Une étude internationale propose une approche inédite pour identifier et pointer les zones géographiques d’importance sur lesquelles se concentrer.

The "Greek frog", Rana graeca, is one of the species included in the analysis. Photo credit: ©Andreas Meyer

Sur notre planète, chaque être vivant se distingue de ses semblables par de petites différences dans son matériel héréditaire. Ainsi, lorsque l’environnement change et devient défavorable à des populations d’espèces (végétales et animales), cette variabilité génétique peut leur permettre de s’adapter aux nouvelles conditions, plutôt que de s’éteindre ou de devoir migrer vers d’autres habitats. De manière simplifiée, on peut donc dire que la diversité des gènes représente une des clés de survie des espèces. En 2022, la Convention internationale sur la Diversité Biologique (CBD) a d’ailleurs maintenu et accru le besoin de protéger la diversité génétique au sein des espèces sauvages, une dimension fondamentale de la biodiversité trop négligée jusqu’ici.

Le réchauffement climatique cause actuellement déjà une pression importante sur de nombreuses espèces en Europe, notamment dans les populations qui se trouvent aux limites climatiques de leur aire de distribution. Leur capacité de résistance à une plus grande chaleur ou sécheresse, mais aussi face aux nouvelles espèces colonisant leur milieu, conditionne donc leur survie. C’est dans ces situations limites qu’il est le plus intéressant de mesurer la diversité génétique, pour évaluer l’aptitude des espèces considérées à persister.

Publiée dans Nature Ecology & Evolution, une étude internationale co-dirigée par l’UNIL s’est penchée sur le monitoring de la diversité génétique en Europe. Olivier Broennimann et Antoine Guisan, rattachés à la Faculté de biologie et médecine et à la Faculté des géosciences et de l’environnement, ont fourni une contribution essentielle, en développant un outil inédit pour identifier des zones géographiques où elle devrait être suivie en priorité. Leurs résultats montrent que les efforts pour surveiller la diversité génétique en Europe sont lacunaires et devraient être complétés.

En analysant l’ensemble des programmes de suivi génétique en Europe, l’étude a démontré que des efforts accrus devraient être déployés dans des zones se trouvant principalement au Sud-Est (Turquie et Balkans). “Sans une meilleure surveillance européenne de la diversité génétique, nous risquons de perdre des variants génétiques importants”, témoigne Peter Pearman, principal auteur de l’étude et ancien collaborateur de l’UNIL. L’amélioration du suivi permettrait de détecter les zones favorables à ces variants, et de les protéger dans le but de maintenir la diversité génétique essentielle à la survie à long terme des espèces. Certaines des espèces menacées fournissent en outre des services inestimables aux humains, comme le fonctionnement des écosystèmes (inclus agricoles), la pollinisation des cultures, la purification de l’eau ou la régulation du climat. 

L’étude comprenait 52 scientifiques de 60 universités ou instituts de recherche dans 31 pays. Les résultats suggèrent qu’il faudrait adapter les programmes européens de suivi de la diversité génétique (“monitoring”) en utilisant ce type d’approche de manière plus systématique et inclure toutes les régions sensibles et riches en diversité génétique. Au vu des accords internationaux récents pour stopper le déclin de la biodiversité, que la Suisse a signé, l’étude relève aussi qu’un meilleur suivi des espèces en général et en particulier de leur diversité génétique est urgemment nécessaire au niveau international. Cela permettra une meilleure planification de l’utilisation du territoire, et un meilleur soutien aux actions de conservation et de restauration des écosystèmes, qui aidera à assurer la persistance des espèces et des services qu’elles nous fournissent.

Source : Peter Pearman; Olivier Broennimann; [+ 48 auteur.e.s] & Antoine Guisan; Mike Brufford. Monitoring species genetic diversity in Europe varies greatly and overlooks potential climate change impacts, Nature Ecology & Evolution, 2023.

Publié du 15 janvier 2024 au 19 février 2030
par Laure-Anne Pessina
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