Tous les cinq ans, la Confédération mène l’enquête sur la mobilité. Près de 55'000 personnes ont été interrogées en 2021. Les entretiens, répartis sur une année, portaient notamment sur les déplacements le jour précédent. Que révèlent les chiffres ? Une pratique du vélo en progression surtout dans les villes et un écart important entre régions linguistiques.
En 2021, 7,9% des déplacements ont été réalisés à vélo en Suisse [1]. C’est un peu mieux que lors de la précédente enquête en 2015 (6,9%) mais loin derrière les Pays-Bas qui s’approchent des 30%. L’année 2021 était encore marquée par de nombreuses restrictions liées au COVID. Celles-ci concernaient toute la Suisse si bien que l’enquête donne des ordres de grandeur fiables sur les différences à l’intérieur du pays.
Le retour du vélo est porté par les grandes villes. Bâle occupe la première place et ses habitant·e·s se déplacent désormais davantage à vélo (21%) qu’en voiture (18%). La ville de Berne voit les effets de son Offensive vélo lancée en 2014. La part du vélo y a augmenté de 11% en 2010 à 19% en 2021. Winterthour continue sa progression mesurée et constante (16%), alors que Zurich fait du surplace en raison d’une politique cyclable bien trop timide (11%). Genève est la première ville romande (8.4%) et Lausanne progresse de 0.8% en 2010 à 4.4% en 2021.
D’importantes différences s’observent entre la Suisse alémaniques (9.6%) et la Suisse romande (4.2%). Parmi les cantons, Bâle-Ville, petit canton urbain ayant réduit la place de la voiture depuis longtemps, occupe la première place (20.4%). Berne prend la deuxième position, suivi par un peloton d’une dizaine de cantons proches des 10%. Tous les latins se situent en-dessous de la valeur nationale, Neuchâtel et Valais fermant la marche.
Comment expliquer ces écarts ? Le climat ? Ce dernier semble plus favorable au Tessin et il ne différencie pas les autres cantons de manière marquée. Le relief ? Genève présente la topographie la plus favorable après celle de Bâle tant à l’échelle des cantons que des grandes villes et se retrouve loin dans le classement. Qui plus est, les Grisons et la plupart des cantons alpins sont situés en dessus de la moyenne. Quant aux Valaisan-ne-s, les trois quarts habitent dans la vallée du Rhône. La culture ? Oui, mais de manière indirecte comme le montre notamment le classement des moins bons élèves alémaniques, Appenzell, Schaffhouse et Schwyz qui évitent un embarrassant entre-soi latin.
Plus qu’une question de langue ou de culture, il s’agit d’une question de volonté politique. Les cantons germanophones ont réduit la place de la voiture de manière plus précoce. Zones 30, zones de rencontres, infrastructures cyclables y sont plus nombreuses et ont permis à la pratique du vélo de se développer. On retrouve par ailleurs un classement très similaire en termes de sécurité. Nos recherches montrent que les cyclistes romands se sentent nettement moins en sécurité et moins respectés par les autres usagers de la route que leurs homologues alémaniques [2]. Les cyclistes suisses ne sont ainsi pas égaux en termes de conditions de circulation.
Les Romands, en queue de peloton ? Oui, mais ce n’est pas une fatalité. Disons qu’ils en gardent sous la pédale ! Et que ceux qui ont élaboré des stratégies ambitieuses progresseront rapidement.
Cet article a été publié dans PRO VELO Info n°66.
Patrick Rérat
[1] La « part modale » permet de mesurer l’importance d’un mode de transport. On peut la calculer selon la distance, la durée, le nombre d’étapes (soit des tronçons de minimum 25 mètres effectués avec un mode) ou de déplacements. Ce dernier a l’avantage de pouvoir être comparé avec d’autres pays.
[2] P. Rérat, G. Giacomel, A. Martin, 2019, Au travail à vélo… La pratique utilitaire de la bicyclette en Suisse, Ed. Alphil (en libre accès sur alphil.ch).