Francesca Amati, professeure associée à la Faculté de biologie et de médecine, est devenue la nouvelle vice-directrice académique de l’École de médecine. Interview.
Le 1er août 2023, Francesca Amati est devenue vice-directrice académique de l’École de médecine, succédant à Romano Regazzi. Pierre-Alexandre Bart, directeur de l’École de médecine, salue la « polyvalence et l’engagement » de la professeure associée, médecin et chercheuse, spécialiste des maladies métaboliques : Francesca Amati est déjà très impliquée dans le cursus de médecine, puisqu’elle est responsable du module « Circulation, respiration » en 2e année de Bachelor et, en tant que responsable de discipline, s’assure de la cohérence des cours de physiologie, branche transversale par excellence, dans les années pré-cliniques. C’est donc, ajoute Pierre-Alexandre Bart, la personne idéale pour sortir d’une « vision en silos » des modules.
Francesca Amati répond à nos questions.
Au moment d’aborder ce poste de vice-directrice académique de l’École de médecine, quels enjeux identifiez-vous ?
Je tiens tout d’abord à souligner la qualité du travail accompli par l’École de médecine ces dernières années, aussi pour mettre en conformité notre cursus avec les exigences fédérales. Nos enseignements sont évolutifs, ils reflètent la complexité de la médecine et du monde d’aujourd’hui, avec ses enjeux sociétaux, économiques, environnementaux. C’est un work-in-progress, un vrai travail de fourmi. Cela dit, je pense qu’un défi permanent est la cohérence du cursus. Nous devons composer avec un enseignement morcelé, organisé par « systèmes » (« Cellules et signaux », « Neurosciences », « Circulation et respiration », « Digestion et métabolisme », etc.) dans les années pré-cliniques, puis par grandes familles de pathologies dès la 3e année de Bachelor. Un enjeu important, c’est de parvenir à circonscrire ce que les étudiant·e·s doivent apprendre en 2e année pour les préparer aux apprentissages de la 3e. Autrement dit, comment réaliser le fondu enchaîné entre la physiologie et la physiopathologie, entre l’histologie et la pathologie, entre la signalisation cellulaire et la pharmacologie, etc. Tous ces grands axes transversaux qui doivent se poursuivre d’une année à l’autre et d’un bout du cursus à l’autre.
Quelles pistes voyez-vous ?
Je ne réinvente pas la roue, la réflexion a déjà été entamée par mes collègues de l’École de médecine. Tout d’abord, assurer la cohérence du cursus, cela signifie qu’il faut combler les lacunes et éviter trop de redondances : j’appuie sur le trop, parce qu’un peu de redondance est utile, pédagogiquement parlant, Pierre-Alexandre Bart parle d’ailleurs de « résurgence » à ce propos. Pour y arriver, il faut que des personnes aient une vision globale : ces personnes, ce sont les responsables de discipline. Cela nous amène à la problématique du nombre d’enseignant·e·s : nous en comptons près d’un millier au total. Parmi les 450 qui donnent des cours en auditoire, la moitié n’assurent qu’une à trois heures de cours. Le risque avec ce morcellement, c’est de devenir un peu superficiel. Cela pose plusieurs questions : notamment, est-ce que tout le monde doit enseigner ? Enseigner suppose un niveau d’engagement qui n’est pas toujours possible, pour diverses raisons. Peut-être faudrait-il revoir nos standards d’académie ? Par exemple en valorisant les enseignements en petits groupes, très importants, par opposition aux cours en auditoire.
Quels messages faire passer aux enseignant·e·s ?
Le métier d’enseignant·e n’est pas inné, c’est pourquoi l’École de médecine a mis en place des cours de pédagogie et de coaching, que nous encourageons nos enseignant·e·s à suivre. Nous devons aussi travailler sur notre communication : il faut que les objectifs d’apprentissage soient clairs, pour les enseignant·e·s comme pour les étudiant·e·s. A ce propos, j’aimerais souligner un aspect auquel je tiens particulièrement : nos étudiant·e·s doivent savoir réfléchir, alors qu’ils et elles mettent énormément l’accent sur l’apprentissage par cœur, phénomène renforcé par la structure de notre cursus. La médecine avance, on ajoute sans arrêt des connaissances, sans en enlever beaucoup. Il reste donc peu de place pour la réflexion. Il faut oser poser la question : qu’est-ce qui fait vraiment partie des compétences nécessaires, des besoins d’un futur médecin au sortir de ses six ans d’études ? Il faut favoriser la réflexion, les compétences logiques et analytiques, et sortir de cet engrenage du par cœur, au risque sinon d’écraser nos étudiantes et étudiants sous la masse des connaissances.
Depuis janvier 2023, vous êtes aussi coprésidente de la Commission Égalité, diversité et inclusion (EDI) : comment comptez-vous concilier les deux ?
Je reste à la coprésidence pour l’instant. On apprend à devenir efficace dans plusieurs rôles ! Je trouve aussi important d’apporter cette sensibilité dans le cursus de médecine : rappelons qu’on retrouve, chez les enseignant·e·s, la même proportion de femmes que dans le professorat, soit seulement 30% d’enseignantes. Cela pose le problème du message qu’on envoie à nos étudiantes, qui manquent de role models.