Caroline Pot et Francesca Amati, toutes deux professeures à la FBM, ont pris les rênes de la Commission EDI en janvier 2023. Avec la volonté de soutenir l’effort, au sein de la Faculté, en faveur de l’égalité, de la diversité et de l’inclusion.
Le 1er janvier 2023, Caroline Pot et Francesca Amati sont devenues, respectivement, présidente et co-présidente de la Commission EDI, pour égalité, diversité et inclusion, de la Faculté de biologie et de médecine (FBM). Professeure associée de l’UNIL et médecin associée au Service de neurologie du CHUV, Caroline Pot en assumait la co-présidence depuis août 2022.
Mais toutes deux, entrées dans la Commission EDI en 2021 comme représentantes du corps professoral, ont pris conscience assez tard, de leur propre aveu, de l’ampleur et de la prégnance du problème du genre et de l’égalité des chances au sein de la Faculté, et du milieu académique en général : « Bien sûr, j’avais déjà perçu beaucoup de biais de genre dans ma carrière, des réflexions, des commentaires ici ou là, j’avais accumulé beaucoup de petites choses, mais en les considérant presque comme anecdotiques, ou pire, « normales », explique Caroline Pot. Il m’a fallu du temps pour réaliser qu’il y avait un problème, peut-être aussi en côtoyant d’autres cultures académiques, comme aux Etats-Unis, plus progressistes sur ce point. »
« Je n’avais pas vraiment conscience du problème avant d’arriver à un poste à responsabilité, renchérit Francesca Amati, professeure associée au Département des sciences biomédicales. Mais quand il a fallu défendre des gens, des étudiantes, mes propres activités et recherches, c’est devenu une lutte quotidienne. »
Et malgré l’évolution des mentalités, il y a encore beaucoup de pain sur la planche : « En 2023, nous avons toujours un sérieux problème en rapport à l’égalité ! », souligne Caroline Pot. D’où l’envie de s’impliquer, de faire avancer les choses, et pas seulement pour les femmes, mais aussi pour les minorités et sur le front du handicap. Caroline Pot a par ailleurs participé à la création de Women in Neurology (WIN) en 2020, une commission de la Société suisse de neurologie qui vise à défendre les intérêts de toutes les femmes neurologues ou futures neurologues. En effet, il n’y a jamais eu de femme cheffe d’un service de neurologie dans un hôpital universitaire en Suisse, excepté à l’Hôpital de St-Gall.
Ne pas manquer sa cible
Il faut que ça change ! Mais quel rôle peut jouer la Commission EDI ? « Tout d’abord, il faut rappeler que c’est un organe consultatif, appuie Francesca Amati. La commission a pour mandat de faire des propositions, qui doivent ensuite être validées par le Décanat de la FBM. C’est une commission faisant office de think tank ».
Bâtissant à partir de l’existant, le duo, avec tous les membres la commission, entend renforcer et affiner les programmes déjà implémentés. Parmi les outils qui permettent de niveler les différences, les transition grants (auparavant appelés « bourses Pro-Femmes ») ont pour but de soutenir financièrement les débuts de carrière des jeunes chercheuses, plus précisément dans cette phase de transition entre la fin du post-doctorat et le début de l’indépendance. Ce qui constitue un petit changement, puisque jusqu’ici ces bourses étaient attribuées à des chercheuses déjà indépendantes, par exemple des professeures boursières FNS : « Autrement dit, des candidates avancées dans leur carrière, déjà « lancées » en somme. Notre objectif, avec les transition grants, est désormais de déplacer le curseur, pour toucher cette population en tout début de carrière », avance Caroline Pot.
Autre outil important, le soutien parental : trop souvent, une maternité implique une interruption de carrière pour une chercheuse, qui doit mettre ses travaux en pause, ne serait-ce que six mois. Or, dans la recherche, monde ultra compétitif, ces mois « perdus » peuvent compter. Une grossesse est donc un vecteur d’inégalité, et c’est là qu’intervient le soutien parental : l’idée de ce mécanisme est de compléter les allocations pour perte de gain (APG) afin d’engager une personne avant le départ en congé maternité de la chercheuse, qui la remplacera et continuera sa recherche pendant son absence. Ce « pont » n’existe actuellement que dans la Section des sciences fondamentales (SSF) : les chercheuses en sciences cliniques (SSC) n’y ont actuellement pas droit, ce qui engendre une nouvelle inégalité. Rendre cet outil disponible également pour les chercheuses de la SSC est une priorité de la Commission EDI.
Le genre, mais aussi les minorités et les personnes avec un handicap
Une mesure déjà en vigueur concerne les subsides qu’accorde la Faculté pour les événements accueillant des oratrices : pour les toucher, le quota est passé de 40% à 50% d’oratrices début 2023. « Autrement dit la parité, ce qui semble assez logique », note Caroline Pot.
La commission compte d’autres outils dans sa panoplie, dont le Forum féminin, un événement de réseautage réservé aux femmes professeures de la FBM. Cette année, le forum féminin aura comme invitée d’honneur Madame Ruth Dreifuss, première femme Présidente de la Confédération suisse. Ce forum sera organisé à la fin de l’été 2023.
Mais la commission veut ouvrir le champ, dépasser le genre pour aborder aussi la diversité, la problématique des minorités et du handicap. Ceci à travers un second événement, sous forme d’un symposium d’une demi-journée ouvert à toutes et à tous, qui abordera la question du handicap dans le monde du travail. « Globalement, nous voulons rendre la Commission EDI et ses actions plus visibles au sein de la FBM, ce qui nous permettra aussi de recevoir davantage d’inputs de la communauté facultaire », souligne encore Caroline Pot.
A côté de ses divers programmes, actions et événements, la Commission mène aussi tout un travail de fond sur les procédures de promotion ainsi que les concours pour le professorat : « Les femmes sont encore nettement sous-représentées à la FBM, puisqu’il n’y a que 20 à 30% de professeures. Il faut identifier les biais de sélection et sensibiliser les membres des commissions de nomination et de promotion. Surtout, en plus de faire passer le message, il faut tenir la note, s’assurer que soient pérennisées l’information et la formation des membres des commissions », dit Francesca Amati.
C’est donc un travail de longue haleine, un vrai travail d’horloger qui doit composer avec une mécanique fragile : il faut ménager les sensibilités, concilier militantisme et nuances, veiller aux effets pervers... « Nous devons être particulièrement attentives à un écueil classique : que la minorité de femmes professeures soit sursollicitée, afin d’atteindre une représentation correcte, au sein des divers organes et commissions de la Faculté. ».
Savoir bien s’entourer
La Commission EDI de la FBM est également impliquée à l’échelon national, par exemple dans le projet Divmed, piloté par l’Université de Zurich, qui se focalise sur la diversité de la relève académique dans les facultés de médecine des universités suisses ; ou dans H.I.T, programme qui cible les femmes qui ont déjà une position académique, afin qu’elles prennent un rôle managérial.
Un dossier chargé, le harcèlement, n’est pas oublié : « Il y a un service compétent au sein de l’UNIL, le programme Aide/HELP, sur ces questions. Par ailleurs, des cours de leadership sont également mis en place par la commission pour sensibiliser toutes les personnes avec une fonction de cadre au sein de la FBM. Notre rôle, comme celui de toutes et tous les cadres et superviseures ou superviseurs, est avant tout de diffuser l’information, et de diriger les gens vers le service HELP, sans rien filtrer ! Ce n’est pas à nous de rajouter des barrières là où elles ne doivent pas exister», assène Francesca Amati.
En 2023, on le voit, la montagne à gravir vers l’égalité des chances à la FBM est encore élevée, mais dans cette ascension, la Commission, sa présidente, sa co-présidente, et six membres avec droit de vote (plus sept avec voix consultative) peuvent s’appuyer sur les services de l’Université, dont le BEC, le Bureau de l’égalité : « Nous ne sommes pas des professionnelles de cette thématique, il est donc important que nous soyons épaulées par des professionnelles et des professionnels », dit Caroline Pot.
Les deux peuvent aussi compter sur le soutien du Décanat de la FBM et sur une cheffe de projet, Slavica Masina, véritable cheville ouvrière de la Commission : « C’est elle qui assure la continuité ; elle est en quelque sorte la mémoire de la Commission, avance Francesca Amati. Et outre son précieux soutien logistique, nous lui avons confié un nouveau mandat, qui consiste à mesurer l’impact des actions menées par la Commission, à travers des indicateurs quantitatifs, comme la fréquentation des événements, et d’autres plus qualitatifs. L’idée est de répondre à la question : la Commission EDI fait-elle une différence ? »