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Chaque jour, des millions de cellules meurent dans notre corps. Nombre d'entre elles se suicident. Contrairement à ce que l'on pensait jusqu’à présent, les cellules n'éclatent pas simplement à la fin de leur vie, mais une protéine spécifique sert de point de rupture dans la membrane cellulaire. L'équipe du professeur Petr Broz au Département d'immunobiologie de l'UNIL a réussi à élucider le mécanisme au niveau atomique.
La mort cellulaire est un processus essentiel dans tous les organismes. Les cellules endommagées ou infectées par des virus ou des bactéries s'éliminent d'elles-mêmes en lançant un programme «suicide» intégré, qui empêche le développement de tumeurs ou la propagation d'agents pathogènes dans l'organisme.
Jusqu'à récemment, on pensait que, arrivées à la fin de leur vie, les cellules éclataient tout simplement. Cependant, une équipe de scientifiques américains a récemment réfuté cette hypothèse. Dans un article qui vient de paraître dans la revue scientifique Nature, une équipe internationale dirigée par des chercheurs de l'Université de Lausanne et de l'Université de Bâle fournit à son tour de nouvelles informations sur l'étape finale de la mort cellulaire. Les scientifiques y décrivent comment une protéine appelée ninjurin-1 s'assemble en filaments qui fonctionnent comme une «fermeture éclair» et ouvrent la membrane cellulaire, ce qui entraîne la désintégration de la cellule. Ces nouvelles connaissances constituent une étape importante dans la compréhension de la mort cellulaire.
Une protéine forme un point de rupture dans la membrane cellulaire
Les chercheurs ont étudié une forme fortement inflammatoire de mort cellulaire nommée la pyroptose. Au stade final de ce processus, les cellules activent une protéine baptisée Gasdermin-D, qui perce des trous dans l’enveloppe des cellules et permet aux différents liquides de pénétrer dans la cellule. «Jusqu'à présent, on pensait qu'après l'activation de la Gasdermin-D, la cellule gonflait lentement jusqu'à ce qu'elle éclate sous l'effet d'une pression croissante», explique Petr Broz, professeur ordinaire au Département d’immunobiologie de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne et co-dernier auteur de l’étude. «Nous sommes en train de réfuter ce paradigme. Au lieu que la cellule n’éclate comme un ballon, la protéine ninjurin-1 fournit un point de rupture dans la membrane cellulaire, provoquant une cassure à cet endroit précis et non pas de manière arbitraire.»
Comment la protéine ninjurin-1 induit-elle la rupture de la membrane?
En utilisant des techniques avancées telles que la microscopie à super résolution et la cryomicroscopie électronique (Cryo-EM), les scientifiques ont pu élucider le mécanisme par lequel la ninjurine-1 induit la rupture de la membrane au niveau des atomes individuels. Cette petite protéine est intégrée dans la membrane cellulaire et est normalement totalement inoffensive.
«Pourtant, une fois que le programme de mort cellulaire est lancé, les protéines ninjurin-1 se regroupent en quelques minutes pour former de longs filaments dans la membrane cellulaire», détaille José Santos, co-premier auteur de l'étude et chargé de recherche dans le groupe du professeur Broz. «Ces filaments ont une face hydrophile et une face hydrophobe distinctes, ce qui entraîne la formation de grandes lésions et de trous dans l’enveloppe de la cellule. De cette manière, la membrane cellulaire est brisée morceau par morceau jusqu'à ce que la cellule se désagrège complètement.» Les débris cellulaires sont ensuite éliminés par les phagocytes, le service de nettoyage de l'organisme.
«Il est désormais évident que les cellules n'éclatent pas sans la ninjurin-1. Cela a un impact important sur la façon dont la mort cellulaire est perçue par notre système immunitaire, puisque les molécules libérées par les cellules qui éclatent provoquent une inflammation dans le tissu», ajoute le professeur Broz.
Thérapie destinée à prévenir ou à favoriser la mort cellulaire
Une meilleure compréhension de la mort cellulaire peut faciliter la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques. Des interventions thérapeutiques pour traiter le cancer seraient concevables, puisque certaines cellules tumorales échappent simplement à la mort cellulaire programmée. L'inflammation causée par l'éclatement des cellules est associée à des maladies neurodégénératives ou à des conditions potentiellement mortelles, telles que le choc septique; dans ce cas, les médicaments qui interfèrent avec l'activation de la ninjurine-1 pourraient constituer une option thérapeutique intéressante.