Une étude menée par Ron Stoop, professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL et responsable de l’Unité de recherche sur la neurobiologie de l'anxiété et de la peur au Centre de neurosciences psychiatriques du CHUV, en collaboration avec un groupe de chercheurs de l'Université de Pékin et qui a continué à fonctionner malgré les restrictions du COVID, montre une nouvelle méthode pour mesurer l'ocytocine dans le cerveau à l’aide d’un capteur fluorescent développé par ingénierie biologique. Les applications de ce capteur sont inédites et prometteuses pour la psychiatrie.
L'étude a été publiée le 2 janvier 2023 dans le journal Nature Biotechnology.
L’ocytocine en quelques mots
L'ocytocine est un neuropeptide produit par l'hypothalamus, une région située à la base du cerveau qui régule de nombreux processus physiologiques de l'organisme ainsi que des comportements instinctifs du cerveau. Les neurones dans l'hypothalamus libèrent l'ocytocine dans la circulation sanguine sous forme d'hormone pour favoriser l'accouchement et la lactation. En outre, ces neurones libèrent l'ocytocine dans de nombreuses zones du cerveau où l'ocytocine peut réguler, en tant que neuromodulateur, divers comportements tels que le comportement d'accouplement, la cognition sociale et les émotions affiliatives, le soin maternel et la formation de relations stables.
L'altération de la signalisation de l'ocytocine dans le cerveau pourrait ainsi être à l'origine de dysfonctionnements cognitifs et émotionnels associés à des troubles neurodéveloppementaux, tels que les troubles du spectre autistique et les troubles du comportement social, voire au vieillissement neuronal.
Comme les échelles de temps des phénomènes physiologiques et pathologiques liés à l'ocytocine sont diverses (de quelques secondes, minutes, heures et jours à des périodes potentiellement beaucoup plus longues), la dynamique de l'ocytocine dans le cerveau peut être variable en fonction des schémas comportementaux, des types de stimuli et de notre condition physique.
Le rôle de l’ocytocine en psychiatrie
Outre son rôle de neuromodulateur endogène, l'ocytocine est apparue comme un agent thérapeutique potentiel pour les troubles psychiatriques, car on a constaté que l'administration externe de l'ocytocine renforçait les émotions positives chez les humains. Par conséquent, on pensait à l'origine que l'administration externe de l'ocytocine, par voie intranasale ou intraveineuse, atteindrait le cerveau et exercerait des effets thérapeutiques.
Cependant, la puissance de l'administration externe de l'ocytocine est controversée, et une étude récente chez l'homme a largement invalidé les observations initiales des effets de l'administration externe d'ocytocine. Par conséquent, on ne sait toujours pas si l'administration externe de l'ocytocine peut effectivement atteindre le cerveau par la voie nasale et/ou à travers la barrière hémato-encéphalique.
Les enjeux de la détection de l’ocytocine pour de futurs traitements
Dans ce contexte, des techniques permettant de détecter la dynamique de l'ocytocine cérébrale sont nécessaires. Cependant, les méthodes actuellement disponibles, telles que la microdialyse suivie de tests biochimiques, présentent des limites, notamment en termes de résolution temporelle.
Récemment, des capteurs fluorescents composés d'un récepteur couplé à une protéine fluorescente ont été développés comme outils prometteurs pour la détection en temps réel de neuromodulateurs tels que la dopamine, l'acétylcholine, la norépinéphrine et l'adénosine.
Inspirés par ces stratégies, l’équipe de recherche a développé un capteur fluorescent pour l'ocytocine. En mesurant avec la technique de fluorescence photométriques par fibre, il a été démontré que ce nouveau capteur peut signaler une variété de dynamiques de l'ocytocine dans le cerveau de la souris et du rat, y compris les signaux de l'ocytocine évoqués artificiellement, les réponses endogènes de l'ocytocine pendant les comportements naturels, et les dynamiques endogènes de l'ocytocine modifiées par des perturbations chimiques et physiques. Grâce à ces mesures, il sera désormais possible d’étudier l’administration de l’ocytocine, afin de mieux traiter certains troubles psychiatriques.