Au printemps dernier, les étudiant·e·s du cours de Master en science politique ont lancé un défi à des fonctionnaires d’organisations internationales : sortir de leur zone de confort en s’immergeant dans un domaine d’expertise peu familier pour faire dialoguer les mondes de l’humanitaire et du développement de la Genève internationale.
Échanger de rôle le temps d’une simulation
S’inspirant des simulations Catalyse, développées pour promouvoir la collaboration entre le monde politique et celui de la recherche scientifique, les étudiant·e·s du cours de Gouvernance de la Mondialisation du Master en science politique de l’UNIL ont élaboré un jeu de rôle pour les fonctionnaires des organisations de la Genève Internationale. Les étudiant·e·s ont travaillé en commun durant tout le semestre de printemps 2022 pour mettre sur pied cette simulation qui s’est jouée le 19 mai au sein des locaux de l’Institut des hautes études internationales et du développement (IHEID), grâce au soutien du Global Governance Centre.
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Deux étudiantes, Maëlle André et Pauline Jonin, ont documenté l’expérience de leur classe sous forme de compte-rendu, qu’elles vous partagent aujourd’hui.
La multiplication de crises dans le monde entraîne une augmentation de l’action des organisations internationales et du nombre de ses fonctionnaires. Cette tendance implique une coopération et une coordination entre des objectifs souvent contradictoires, inscrits dans des temporalités différentes. Le défi lancé par Lucile Maertens, maîtresse d’enseignement et de recherche à l’Institut d’études politiques, et sa classe de master en science politique, consiste en la préparation et la réalisation d’une simulation destinée à des fonctionnaires d’organisations internationales. Sur la base d’un scénario de catastrophe fictive en Haïti, ces professionnel·les issu·e·s du milieu de l'humanitaire ou du développement, se voient confier le rôle d’un membre de la communauté internationale opposé au leur.
Le scénario
Lisa, ouragan fictif survenu le 15 mai 2021 a provoqué d’importants dégâts humains et matériels, coupant les réseaux routiers, maritimes et aériens. Des milliers d’Haïtien·ne·s se retrouvent sans toit ni vivre, contraints de se déplacer pour tenter de trouver un abri. Les infrastructures hospitalières sont détruites, laissant craindre une dégradation des conditions sanitaires et la propagation de nouvelles maladies.
L’objectif de la simulation vise, en réponse à cette crise, à confronter deux univers : celui de l’humanitaire d’urgence, guidé par une vision à court terme, et celui du développement, focalisé sur une vision de moyen-long terme. La raison de ce scénario ? Dans les crises contemporaines, le secteur humanitaire reproche généralement à celui du développement de ne pas agir selon l’urgence des besoins. Il lui attribue parfois une vision déconnectée de la réalité. De l’autre côté, le secteur du développement critique le manque de réflexion à long terme de l’humanitaire.
Pendant deux heures, l’équipe humanitaire doit limiter au mieux les effets dévastateurs de la tempête tropicale en se fixant des objectifs de court terme. Face à la pression de la communauté internationale, du gouvernement et de la population locale, et avec la révision constante des connaissances sur les dégâts de l’ouragan, elle doit unir ses efforts pour soumettre une demande de financement d’urgence.
De l’autre côté, l’équipe du développement voit la planification de son projet d’agroforesterie en Haïti mis à mal par la tempête. Elle est obligée de repenser ses objectifs pour s’adapter à ce nouvel environnement post-catastrophe et sécuriser son budget.
Les profils des participant·e·s et leur affiliation à des organisations internationales sont variés. Leurs spécialités comprennent le développement, l’humanitaire, le droit international, le commerce international, la politique internationale et l’environnement. Iels travaillent dans diverses parties du monde que ce soit pour l’Organisation Internationale pour les migrations (OIM), le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), l'International Trade Center (ITC), aux Nations-Unies (ONU), le Programme Alimentaire Mondiale (PAM), ou encore l’Armée du Salut Suisse. Dans cette optique, l'équipe d'organisation a pris soin d’attribuer à chaque participant·e le rôle d’un personnage ne correspondant pas à leur quotidien professionnel.
Défi relevé ?
Le bilan de la matinée est très positif. Les participant·e·s manifestent un grand intérêt pour la simulation et invitent la classe à renouveler l’expérience. Expression de cet intérêt : chacun·e manifeste le regret de ne pas avoir plus de temps à consacrer pour échanger sur cet apprentissage.
M. Alain Pasche, le « grand témoin », ancien consultant dans le domaine de la prévention et de la gestion des risques industriels et naturels et ancien membre de l'aide humanitaire de la Confédération au UNDAC (équipe d’évaluation et de coordination en cas de catastrophe), clôt la rencontre. Il attire l’attention sur le travail conséquent nécessaire à l’aboutissement d’un tel projet et tire son chapeau au travail effectué par la professeure et les élèves en amont et lors de la simulation. Il souligne également l’apport de cette expérience pour les participant·e·s issu·e·s des organisations internationales : « très souvent, nous manquons de vue d’ensemble sur l’architecture globale et considérons que ce que nous faisons est très important, alors que ce que les autres font est agréable à avoir ». La simulation a donc participé à rendre compte du travail de chacun·e et des présupposés attachés.
La simulation a-t-elle de l’avenir ?
Notre première intuition serait de répondre oui. Lucile Maertens semble satisfaite du déroulement de cette expérience. Selon elle, la simulation représente un formidable outil pédagogique, trop peu répandu. Elle espère que cette expérience fera écho dans les couloirs de l’UNIL afin de la développer pour d’autres enseignements et thématiques.