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Les aménagements cyclables mis en place après le confinement du printemps 2020 à Genève et Lausanne ont fait couler beaucoup d’encre. Une recherche menée à l’UNIL lève le voile sur les effets des « coronapistes » et de la pandémie sur la pratique du vélo.
La pandémie a redéfini les habitudes de mobilité. De nombreuses villes dans le monde ont créé des aménagements cyclables temporaires (les « coronapistes »). L’objectif était de garantir la distanciation physique tout en évitant un recours accru à la voiture. Une recherche, réalisée par l’Observatoire universitaire du vélo et des mobilités actives (OUVEMA), a mesuré les effets de la pandémie sur la pratique du vélo et la réception des coronapistes à Genève et Lausanne.
La pratique du vélo a globalement augmenté avec la pandémie
Quatre trajectoires peuvent être identifiées entre le début de la pandémie et l’enquête qui a eu lieu en été 2021 : (1) les personnes qui font moins de vélo qu’avant (9% des répondant·e·s à Lausanne, 11% à Genève) ; (2) celles qui en font globalement autant (42% et 58%) ; (3) celles qui en font davantage (44% et 27%), et (4) celles qui ont recommencé à se déplacer à bicyclette (5% et 3%).
La pandémie a renforcé le retour du vélo dans les villes qui est observé depuis une dizaine d’années. Malgré le télétravail, l’enseignement à distance et diverses restrictions, le vélo a tiré son épingle du jeu grâce à un recentrement des activités autour du domicile, un moindre recours aux transports publics et son usage comme loisir ou sport.
Les coronapistes ont amélioré les conditions de circulation pour les vélos
Un important élément de contexte est que les conditions de circulation sont souvent jugées de manière négative à Lausanne et Genève : la moitié des personnes ayant participé à l’enquête ne se sentent en effet pas en sécurité lors de leurs trajets à vélo. Elles ont ainsi reçu très positivement l’aménagement des coronapistes.
L’effet le plus marqué des coronapistes, tant à Lausanne (73% de personnes d’accord ou tout à fait d’accord) qu’à Genève (81%), est l’amélioration de la sécurité. Elles sont de surcroît jugées plus conviviales que les aménagements empruntés généralement (67% et 77%). De nombreux cyclistes (44% et 64%) ont modifié leurs itinéraires et ils sont un tiers à affirmer que les coronapistes les incitent à faire davantage de vélo.
Les personnes circulant davantage à vélo depuis la pandémie et les femmes sont encore plus positives quant aux coronapistes. Ces dernières permettent ainsi à un public plus large d’effectuer des trajets plus sûrs et plus agréables. Une minorité non négligeable ne se sent toutefois pas en sécurité et se caractérise un besoin accru en matière d’aménagements.
La réception des coronapistes varie selon les habitudes de mobilité et la sensibilité politique
La perception de l’utilité des coronapistes varie parmi les répondant·e·s. Les personnes ne faisant pas de vélo et celles qui en font de manière occasionnelle et récréative sont moins favorables que les cyclistes réguliers. Les personnes disposant toujours d’une voiture dans leur ménage sont plus réticentes que les personnes non-motorisées, et ceci quelle que soit leur pratique du vélo. De même, plus une personne se positionne à droite, moins elle sera persuadée de l’utilité des nouvelles infrastructures alors que les femmes se montrent plus convaincues que les hommes. Au cœur de ces divergences se trouve la question de la redistribution de l’espace actuellement dévolu à la circulation et au stationnement des voitures vers le vélo.
La pandémie a renforcé le regain d’attractivité du vélo à la fois comme mode de transport et comme activité récréative. Un enjeu est de capitaliser sur cet essor pour ces deux villes qui ont pour ambition d’augmenter sensiblement la part du vélo sur leur territoire. Ce type d’intervention n’est toutefois pas dénué de controverses. Le développement du vélo passe ainsi non seulement par des infrastructures adéquates mais également par sa légitimation comme moyen de transport et par des démarches permettant et de répondre aux différentes réticences qu’il suscite.
Cette recherche a été menée dans le cadre du programme Interact (qui promeut la collaboration entre l’Université et la Ville de Lausanne) et le projet « Vélotactique » (Agence nationale de la recherche).
Un premier rapport présente une enquête par questionnaire en ligne (Genève et Lausanne) :
Patrick Rérat, Lucas Haldimann et Hannah Widmer. 2022. Le vélo en période de pandémie. Évolution des pratiques et effets des «coronapistes» à Genève et Lausanne. Études urbaines n°7. https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_2084884F4829.P001/REF
Un deuxième rapport présente une enquête réalisée sur le terrain à Lausanne avec des étudiant·e·s en géographie, orientation urbanisme :
Aurélie Schmassmann et Patrick Rérat. 2022. Évaluation des aménagements cyclables liés à la crise sanitaire : le cas de Lausanne. Études urbaines n°6.
https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_732ABFF52B05.P001/REF