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L’impressionnante modélisation 3D d’un temple détruit par les membres du groupe Daech n’est qu’une étape dans le processus de préservation de ce patrimoine historique, nous explique Patrick Michel. Initiateur du projet, il est maître d’enseignement et de recherche à l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité de l’UNIL.
Vous allez présenter le projet Collart-Palmyre du 13 au 20 novembre 2021 au pavillon suisse de l’Exposition universelle de Dubaï, ce qui marque en quelque sorte le retour de ce temple sur sol arabe. Est-ce une étape importante ?
Patrick Michel: En matière de visibilité, oui. Nous avons reçu le soutien de l’Office fédéral de la culture, de la Loterie romande et de l’ALIPH, l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit, notamment. Il est capital de rappeler que notre pays s’investit dans dans la préservation du patrimoine culturel en péril, tout comme de mettre avant notre capacité d’innovation et nos chercheurs, qui ont à cœur d’intégrer les communautés concernées.
Que pourra-t-on voir à Dubaï ?
En lien avec le thème de mi-novembre — « tolérance et inclusivité » —, nous allons montrer comment préserver le patrimoine peut améliorer la tolérance après les conflits. A l’aide de cette reconstitution 3D qui donne à voir comment, sur un millénaire, un sanctuaire était utilisé d’abord pour un culte païen, ensuite transformé à l’époque byzantin puis islamique, nous avons imaginé des activités pédagogiques liées à la transmission interculturelle. Le tout s’accompagne d’un livret rédigé en arabe. Destiné aux ONG, il sera aussi présenté à Dubaï. Nous avons formé les animateurs pour utiliser ce support à Idlib, en Syrie, et dans le camp d’Azraq, au nord de la Jordanie. Le sujet de l’exposition n’est donc pas la modélisation 3D, mais bien le travail réalisé avec les populations.
Et ce travail, justement, quelle forme prend-il ?
En cherchant comment lier patrimoine matériel et immatériel, nous avons imaginé une activité de broderie destinée aux réfugiés des régions de Palmyre et de Homs. Le motif utilisé provient du sanctuaire et l’objet créé, qui peut être une pochette, un coussin, matérialise la transmission de la mémoire. Nous n’avons pas choisi la broderie par hasard, mais parce que Palmyre était une étape importante sur la Route de la Soie. Certains motifs qui décoraient ses temples s’inspiraient de vêtements. Aujourd’hui, ils font le trajet inverse. En passant du patrimoine matériel à l’immatériel et vice-versa, ils retissent un savoir-vivre ensemble.
Comment cette activité a-t-elle été reçue ?
Très bien, y compris par les hommes. Les ateliers ont eu beaucoup de succès, tous affichaient complet. Et les participants étaient très touchés, heureux de fabriquer quelque chose qui a du sens. La réalité virtuelle n’est donc pas une fin en soi, plutôt un moyen d’attirer l’attention, un outil de recherche puissant, très utile au plan pédagogique. Mais jamais il ne remplacera l’original.
Qu’attendez-vous de cette visite ?
De nouvelles collaborations. Cette exposition est une excellente vitrine au plan international. Madame Noura Bint Mohammed Al Kaab, rectrice de l’Université Zayed et ministre de la Culture des Émirats arabes unis, s’exprimera lors de l’inauguration. Monsieur Massimo Baggi, ambassadeur de Suisse pour les Émirats arabes unis et le Bahreïn, sera également présent. Pour ma part, je présenterai le projet au pavillon italien, puis suisse. L’important est maintenant de faire circuler l’information. Car le matériel que nous avons créé pour Palmyre peut s’adapter à d’autres sites, nous aimerions beaucoup transmettre ce savoir-faire.