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CELL publie les derniers résultats du laboratoire de la Pr Joyce, membre de la branche lausannoise du Ludwig Institute for Cancer Research, sur le cancer du cerveau. L'occasion d'en savoir plus sur les motivations et l'impact de cette recherche à travers un interview.
« Notre étude nous aidera à découvrir de nouvelles stratégies pour restaurer les fonctions du système immunitaire afin de lutter contre les cancers du cerveau »
Pendant plus de cinq ans, Johanna Joyce et son équipe ont investigué le microenvironnement des principaux cancers du cerveau chez l’adulte. Grâce à l’énorme trésor de connaissances ainsi accumulées, il est désormais possible de comprendre comment les tumeurs cérébrales se développent et progressent en subvertissant le système immunitaire. Cette recherche révolutionnaire ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques. Explications. [VERSION ANGLAISE A LA SUITE]
Quel est l’objet de votre étude?
Cette étude est la première investigation exhaustive du paysage des cellules immunitaires chez les patients atteints des types de cancers cérébraux les plus fréquents. Les tumeurs situées dans le cerveau peuvent se développer soit à l’intérieur de cet organe (cancers dits primaires), soit se répandre aux autres organes du corps – tels que les seins, les poumons ou la peau (cancers dits métastatiques).
Nous voulions comprendre comment ces différents types de cancers cérébraux interagissaient avec les cellules immunitaires normales et modifiaient leurs fonctions, au point de permettre à ces cancers d’échapper au système immunitaire et de se développer à l’intérieur du cerveau. Nous étions curieux de savoir si le paysage immunitaire était formé différemment selon qu’il s’agit de cancers cérébraux primaires ou métastatiques, et ce même s’ils croissent dans le même organe, car cela a d’importantes répercussions sur le développement des interventions thérapeutiques contre ces tumeurs malignes dévastatrices.
Pour répondre à cette question, nous devions comparer directement ces différents cancers du cerveau côte-à-côte en utilisant un pipeline de divers tests expérimentaux. Ce faisant, nous avons découvert que les phénotypes des cellules immunitaires associées au cerveau étaient en réalité dictés de manière prédominante par la nature spécifique de la maladie plus que par l’infiltration du cerveau lui-même.
Comment vous êtes-vous dirigée sur cette piste de recherche en particulier ?
Nous avons commencé à investiguer ce domaine il y a plusieurs années, car j’avais été frappée par le faible taux de survie des patients atteints de cancer du cerveau et par l’efficacité limitée des traitements homologués. Par exemple, certains malades ne survivaient que quelques mois après le diagnostic de métastases cérébrales. J’ai pensé alors que nous avions vraiment besoin d’en savoir plus sur ces cancers afin de concevoir de nouvelles thérapies et essayer d’améliorer ces consternantes statistiques de survie.
A l’époque, mon laboratoire étudiait principalement les cancers du sein et du pancréas. J’ai donc décidé de procéder à un virage important et de rediriger nombre de nos projets de notre programme de recherche vers les cancers du cerveau. L’un de nos principaux objectifs était d’établir une première cartographie des principaux cancers du cerveau chez l’adulte. Ce fut un énorme projet qui nous a pris plus de cinq ans en tout. Je suis vraiment ravie que cela ait été possible car notre travail permettra à mon laboratoire et à de nombreux chercheurs de notre domaine d’explorer de nouvelles hypothèses et idées de recherche.
Dans quel contexte s’inscrit votre étude ?
Ces dernières années, dans la communauté de recherche sur le cancer, nous avons constaté que l’environnement dans lequel se développait une tumeur pouvait avoir une profonde incidence sur la manière dont ce cancer évoluait, devenait plus agressif et peut-être même se disséminait dans l’organisme. Les cellules cancéreuses peuvent modifier les fonctions des cellules normales dans ce « microenvironnement tumoral », qui comprend les cellules immunitaires, les vaisseaux sanguins, les fibroblastes, etc, pour les faire évoluer et passer de suppresseurs à promoteurs du cancer.
Tandis que nous découvrions sans cesse de nouveaux aspects concernant ce microenvironnement dans d’autres cancers tels que celui du pancréas ou du sein, nous ne savions presque rien du cancer du cerveau en comparaison. Nous avons donc pensé qu’il était essentiel de construire une cartographie du microenvironnement de la tumeur cérébrale.
Comment vous y êtes-vous prise ?
Nous avons commencé par « déconstruire » l’immense complexité du microenvironnement de la tumeur cérébrale en isolant différents types de cellules. Nous avons recouru à un important pipeline d’approches expérimentales variées afin de comprendre en profondeur comment leurs fonctions différaient les unes des autres et se distinguaient des cellules normales, telles que les cellules immunitaires sanguines, par exemple.
Ensuite, nous avons intégré cette mine de données et d’informations dans un ensemble afin de « reconstruire » le microenvironnement cérébral et d’élaborer de multiples cartes couvrant chacun des différents cancers primaires et métastatiques du cerveau. Grâce à l’énorme trésor de connaissances que nous avons accumulées, nous pouvons désormais comprendre pleinement comment les cancers cérébraux se développent et progressent en subvertissant le système immunitaire.
Après ces découvertes, quelle sera la prochaine étape pour vous et votre laboratoire ?
Notre étude a permis de révéler des spécificités de cette maladie absolument décisives, car elles démontrent que l’on ne peut pas se contenter d’une approche de type « prêt-à-porter » pour traiter tous les cancers du cerveau de la même manière. Cette information sera très utile pour améliorer les thérapies et pour restaurer les fonctions du système immunitaire permettant de combattre le cancer. Nous détenons désormais le fondement à partir duquel nous pourrons développer de meilleurs traitements, par exemple en optimisant l’infiltration de lymphocytes T dans les gliomes, ou en interférant avec les voies de l’immunosuppression dans les métastases cérébrales.
Biologiste et généticienne de formation, Johanna Joyce s’est spécialisée dans le microenvironnement tumoral et concentre ses recherches, à Lausanne, sur les tumeurs cérébrales et le processus de métastases en général. Elle est professeure ordinaire à l’UNIL auprès de la branche lausannoise de l'Institut Ludwig pour la recherche sur le cancer.
[ENGLISH VERSION]
"Our study will help us discover new strategies to treat brain cancers and restore the functions of the immune system to fight these diseases"
For more than five years, Johanna Joyce and her team have investigated the microenvironment of the major brain cancers in adults. As a result of the enormous treasure of knowledge they have now acquired, it is possible to understand how brain tumors develop and progress by subverting the immune system. This revolutionary research opens up new therapeutic avenues.
What is this paper about?
This study is the first comprehensive interrogation of the immune cell landscape in patients with the most common types of brain cancers. Tumors in the brain can either develop in this organ (so-called primary cancers) or can spread to the brain from cancers in other organs of the body- such as the breast, lung or skin (termed metastatic cancers).
We wanted to know how all these different types of brain cancer interact with, and change the functions of, normal immune cells in a way that allows them to evade the immune system and develop within the brain. We were curious whether the immune landscape is formed differently between primary and metastatic brain cancers, even though they grow in the same organ, as this has important implications for developing therapeutic interventions against these devastating malignancies.
To be able to answer this question, we needed to be able to directly compare these brain cancers side by side using a pipeline of different experimental assays, and by doing that we discovered that the phenotypes of brain-associated immune cells were in fact predominantly dictated by the specific disease, more so than by infiltrating within the brain itself.
How did you decide on this particular avenue of research?
We started researching brain cancers several years ago, as I was really struck by the very poor survival rates for patients diagnosed with a brain tumor, and the limited efficacy of the current approved therapies. For example, some patients may only survive for a few months following diagnosis of brain metastasis. I thought we really needed to understand more about these cancers to devise new therapies and try to improve these sobering survival statistics.
At the time my lab was mostly studying breast cancer and pancreatic cancer, and I decided to make a major change in our research program to focus many of our new projects now on brain tumors. A very important goal for us was to make this first map of the major adult brain cancers, and it was a huge project that took us over 5 years from start to finish. I am really pleased that this has been possible, as it will enable my lab and many other researchers in our field to explore new research hypotheses and ideas.
What context does this paper fit into?
In recent years, in the cancer research community we have recognised that the environment in which a tumor develops can have a profound effect on how that cancer develops, becomes more aggressive, and perhaps even spreads around the body. Cancer cells can change the functions of normal cells in this ‘tumor microenvironment’ including immune cells, blood vessels, fibroblasts and so on, to actually turn them from cancer suppressors to cancer promoters.
While we were discovering a lot about this microenvironment in other cancers, such as the breast and pancreas, we knew very little about the brain by comparison. We therefore thought it was critical to build a map of the brain tumor microenvironment.
What and how does it add to that?
We first ‘deconstructed’ the immense complexity of the brain tumor microenvironment by isolating the many different cell types, and used an extensive pipeline of diverse experimental approaches to deeply explore how their functions were different from each other and from normal cells- such as immune cells in the blood for example.
We then integrated this wealth of data and information into a whole to ‘reconstruct’ the brain microenvironment and build multiple maps across each of the different primary and metastatic brain cancers. Armed with this tremendous wealth of knowledge we have gained, we can now begin to fully understand how cancers in the brain develop and progress by subverting the immune system.
What is the next step moving on from these findings, for you and your lab?
The disease-specific differences we have revealed in this study are important because they show us that we simply can’t take a ‘one size fits all’ approach to treating cancers in the brain in the same manner. We need this information to improve our therapies, including finding ways to restore the functions of the body’s immune system to fight cancer. We now have the foundation from which to develop better therapies, for example by trying to enhance the infiltration of T cells into gliomas, or interfere with immune-suppressive pathways in brain metastasis.
A biologist and geneticist by training, Johanna Joyce specializes in the tumor microenvironment and focuses her research on brain tumors and the process of metastasis in general. She is a full professor at UNIL in the Lausanne branch of the Ludwig Institute for Cancer Research, and Executive Director of the Agora Cancer Center Lausanne.