Compte-rendu de la conférence de Pascale Dufour (UQAM), à l'UNIL le 9 mars 2020 - Evénement co-organisé avec le CRAPUL - Discutante: Lucile Ruault (CEG).
Chronique du CEG : Les événements du CEG sont régulièrement recensés par les étudiant·es en études genre de l’UNIL.
Pascale Dufour est professeure de sciences politiques à l’université de Montréal et responsable du programme de la mineure des études genre et théories féministes. Elle a commencé à travailler sur la Marche des femmes en 1998, suite à l’expérience de la Marche du pain et des roses, qui a été un moment fort du militantisme féministe au Québec et de son expansion. Elle a fait un travail sur la Marche mondiale des femmes et c’est dans ce cadre-là que l’UNIL l’a invitée pour venir en parler dans une conférence. Elle a récemment publié un ouvrage avec Lorraine Gay, Qui sommes-nous pour être découragées ? (Montréal, Ecosociété, 2019), et travaille actuellement sur les fondements institutionnels de l’alimentation. Elle est en train de finir de faire un portrait de comment la souveraineté alimentaire est devenue une revendication féministe.
La Marche mondiale des femmes est un rassemblement de groupes de femmes qui regroupe environ 60 pays (actions protestataires) et des milliers de femmes qui se battent à travers le monde, avec le réseau qui s’appelle « La vía campesina », qui est l’un des réseaux transnationaux les plus importants. La Marche organise des actions mondiales tous les 5 ans et entre ces actions, les coordinations mondiales sont actives (rencontres internationales et régionales ainsi qu’un travail fait en continu par le secrétariat international de la marche). La Marche est un mouvement très autonome des institutions (même s’il y a un petit soutien financier). Ainsi, pour comprendre comment il fonctionne, il est nécessaire de se pencher sur les dynamiques internes qui le constitue.
La Marche mondiale des femmes nous apprend à être humble en tant que chercheur car c’est un mouvement en constante évolution, d’où la difficulté de pouvoir le décrire. De plus, c’est un objet mondial, une seule personne ne peut pas parler de tout le mouvement. L’étude réalisée par Pascale Dufour était multi située, principalement grâce à des entrevues passées par Skype avec les différentes coordinations nationales. Cela a permis de comparer les variations pouvant exister à l’intérieur même du mouvement. Au début, la question de la souveraineté alimentaire s’est développée contre la notion de sécurité alimentaire. L’idée est d’être aux commandes de ce que l’on mange, de comment on le produit, etc. Les femmes ont rendu ce projet politique féministe (l’accent est mis sur les inégalités de genre dans les questions liées à l’alimentation). Mais cette question de la souveraineté alimentaire ne se distribue pas de la même manière dans toutes les régions : en Amérique Latine par exemple, c’est un projet politique féministe qui est très présent dans l’ensemble des coordinations nationales alors qu’en Afrique, cela est peu prioritaire. Les différences constatées sont le produit de variations dans la communication et/ou dans les structures internes.
À la fin de la conférence, plusieurs questions pertinentes ont été posées et j’ai voulu en relever deux. Premièrement celle qui concernait les méthodes d’entretiens : pourquoi avoir fait des entretiens par Skype ? Quelles différences ? Madame Dufour nous dit qu’il faut nous y habituer. En raison des conditions climatiques actuelles, entre autres, nous ne pouvons pas prendre l’avion autant que nous le souhaiterions. Les entrevues à l’autre bout du monde se réalisent donc de plus en plus souvent par l’intermédiaire de Skype. Elle a remarqué que les personnes commencent à s’y habituer et que cela donne des résultats de plus en plus convaincants. Deuxièmement, la question concernant le patriarcat : où est le patriarcat dans le projet de la sécurité alimentaire ? En fait, cela se fait en même temps, ce sont des luttes qui s’opèrent en parallèle. Il n’y a pas de bataille contre le capitalisme sans bataille contre le patriarcat. La question de la souveraineté alimentaire est elle-même inscrite au cœur des rapports de genre.
Chábeli Legaz Loosli, bachelor Unil