Compte-rendu de la conférence de Calogero Giametta et Charlène Calderaro à l'UNIL le 10 mars 2020.
Chronique du CEG : Les événements du CEG sont régulièrement recensés par les étudiant·es en études genre de l’UNIL.
Dans cette conférence donnée à l’Université de Lausanne le mardi 10 mars 2020, il était question des conséquences de la loi française du 13 avril 2016 sur la prostitution qui vise à pénaliser les clients afin de renforcer la lutte contre le « système prostitutionnel » et à accompagner/protéger les personnes prostituées en abrogeant le délit de racolage public, en interdisant l’achat d’un acte sexuel et en offrant un parcours de sortie du milieu prostitutionnel.
Dans une première partie, Charlène Calderaro (UNIL) nous a parlé de sa recherche « La politique néo- abolitionniste en France : au nom des droits de femmes ? » qui se penche sur la manière dont cette loi a été implémentée en France et quels en ont été les acteurs principaux. Dans un premier temps, il s’est agi pour elle de comprendre la redéfinition féministe et anticapitaliste de la prostitution qui a permis de faire passer une telle loi : en effet, alors que pendant des années, les valeurs morales et religieuses étaient mises au centre de l’argumentaire abolitionniste, depuis les années 2000, l’argumentaire abolitionniste se concentre surtout autour du lien fait entre prostitution et violences faites aux femmes. S’ajoute à cela un prisme anticapitaliste qui s’offusque de la marchandisation du corps des femmes. C’est dans ce contexte de redéfinition que l’on peut parler de cette loi comme relevant d’une politique néo- abolitionniste de la prostitution. L’un des résultats principaux exposé par Charlène Calderaro est que les travailleur·ses du sexe ont été exclus du processus décisionnel, alors qu’ils sont pourtant les premiers concernés. Ils ne sont considérés par les acteurs de la loi qu’en tant que victimes d’un système.
Mais quels ont été les effets de cette loi sur les travailleur·ses du sexe ? C’est ce qu’a développé Calogero Giametta (Université d’Aix-Marseille) dans la deuxième partie de la conférence. Après avoir rappelé quelques éléments contextuels liés à la mise en place de cette loi, C. Giametta s’est attardé sur les raisons pour lesquelles celle-ci, dans les faits, est fortement critiquée et critiquable. En effet, les effet négatifs sur les conditions de travail des prostitué·es sont nombreux et impliquent notamment : une dégradation des rapports avec les clients qui se trouvent avoir plus de pouvoir de négociation car ils prennent plus de risques, un recours aux intermédiaires plus grand pour augmenter les chances de trouver du travail (on voit là, paradoxalement, l’échec d’un des objectifs de la loi qui était d’empêcher la création de réseaux), plus de concurrence et une précarisation des travailleur·ses du sexe qui ont de moins en moins de clients et qui doivent travailler dans des conditions parfois dangereuses (dans des endroits reculés, pendant la nuit, etc.). De plus, selon C. Giametta, le volet social de la loi, qui concerne le parcours de sortie et qui promet une aide financière et une autre formation professionnelle est fortement critiquable : en effet, ce qu’il a pu constater dans ses recherches est que les personnes ne savent pas dans quelle mesure elles sont éligibles à ce parcours de sortie. Parcours qui se trouve être également discriminant : il y a les personnes « dignes » de protection (celles et ceux qui décident d’arrêter la prostitution) et les personnes « indignes » (celles et ceux qui veulent continuer). Cette loi est donc, selon C.Giametta, problématique sur de nombreux aspects et l’on en voit aujourd’hui les conséquences néfastes plus que positives sur les vies des travailleur·ses du sexe.
Salomé Crouzet, bachelor Unil