Ahmed Ajil mène cette recherche doctorale en criminologie au sein de l’Ecole des sciences criminelles de la FDCA de l'Université de Lausanne.
Intéressé par les mobilisations politiques et idéologiques, notamment pour des conflits dans le monde arabe, Ahmed Ajil base sa recherche sur des récits de jeunes hommes concernés par la question ; des jeunes hommes qui se sont engagés avec des groupes violents ou dans des actions violentes, d’autres qui ont des attitudes favorables à l’engagement violent mais ne s’engagent pas, ainsi que des activistes qui s’engagent de façon non violente pour une cause ou un conflit dans le monde arabe.
Suite aux attentats du 11 septembre 2001, les griefs (grievances ; sentiments d’injustice) ont été mis à l’écart dans l’analyse des violences politico-idéologiques. Les actes en question, souvent regroupés sous la notion de « terrorisme », sont présentés comme motivés par un fanatisme idéologique ou religieux, à travers une analyse dépolitisante, moralisatrice, psychologisante et individualiste. Cela est, certes, le cas dans les discours médiatiques et politiques, mais aussi dans le monde de la recherche académique. Ainsi, la recherche a eu tendance à négliger le rôle du sentiment d’injustice. En remettant le rôle des injustices au centre, l’objectif poursuivi par cette thèse au niveau épistémique est, en premier lieu, de permettre une analyse critique et structuraliste de ce phénomène.
Depuis décembre 2018, Ahmed Ajil a mené plus d’une centaine d’entretiens en Suisse, au Liban, et au Canada. Ces entretiens approfondis semi-dirigés avec les premiers concernés, ainsi qu’avec des acteurs formels et informels les entourant, constituent l’essentiel de ses données. À mi-chemin, quelques pistes se dessinent déjà dans les trajectoires et les motivations de ses enquêtés. Leurs récits permettent d’identifier des processus cognitifs et émotionnels récurrents dans leur mobilisation. Il s’agit notamment de l'identification d’une injustice perçue comme étant flagrante, historique, de large échelle et qui reste, surtout, impunie. Des processus d’indignation morale et d’appropriation, ainsi que de responsabilisation face à cette injustice semblent jouer un rôle-clé. Si violence il y a, elle est justifiée comme un mal nécessaire et présentée comme une action collective, défensive et, dans la plupart des cas, restrictive et ciblée. Finalement, une observation primordiale est que ce sont des facteurs contextuels et situationnels, parfois très anodins, et un enchaînement d’événements qui expliquent qu'une personne s’engage effectivement ou pas.
Ahmed Ajil a participé à l’élaboration du Plan d’action national de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent. Il espère que les résultats de sa recherche permettront de contribuer à la compréhension du phénomène et de reconsidérer quelques-unes des politiques de prévention (et de répression) sous un autre angle, qui tiendrait notamment compte du sentiment d’injustice. C’est, entre autres, parce que la « guerre contre la terreur » ne fait que reproduire et renforcer les injustices et les inégalités qu’elle a été largement contreproductive. Prévenir à tout prix, notamment au détriment des droits fondamentaux et des valeurs constitutives de notre société démocratique, serait, selon lui, une réponse problématique.
Pour cette recherche doctorale, Ahmed Ajil a obtenu en 2018 un financement FNS (Doc.CH) de trois ans et demi pour la réalisation d’un Doctorat en criminologie. Sa recherche est placée sous la direction des professeures Manon Jendly (ESC Lausanne) et Aurélie Campana de l’Université Laval à Québec, où il a passé un séjour de recherche d’un an, tel que l’exige ce type de financement. Ahmed Ajil vient également d’être accepté dans le prestigieux programme pour doctorants de l’Academy of Criminal Justice Sciences (ACJS) aux Etats-Unis qui propose de nombreux ateliers et de belles possibilités de réseautage en marge de son Meeting annuel à Orlando, Floride.