Un livre pour ceux que la chouette n’effraie pas

Spécialiste des chouettes et professeur au Département d’écologie et évolution de l’UNIL, Alexandre Roulin publie une monographie sur ses protégées aux Presses universitaires de Cambridge. Superbement illustré, l’ouvrage synthétise le contenu de près de 3700 articles scientifiques que l’ornithologue a collectés depuis 1990.

Le biologiste Alexandre Roulin et l’artiste Laurent Willenegger ont travaillé ensemble durant quatre ans pour marier textes et images, sur plus de 300 pages. © Laurent Willenegger

Avec sa tête en forme de cœur, son vol ultrasilencieux, presque fantomatique, et son comportement social complexe, l’effraie des clochers, ou Dame blanche pour les moins superstitieux, ne cesse de fasciner. Après l’avoir étudiée durant trente ans, Alexandre Roulin, professeur ordinaire au Département d’écologie et évolution (DEE) de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, raconte désormais «sa bestiole» dans un ouvrage grand format, enrichi d’aquarelles et de dessins au crayon de l’artiste vaudois Laurent Willenegger.

Paru aux Presses universitaires de Cambridge, Barn Owls, Evolution and Ecology (Effraies des clochers, évolution et écologie) est disponible au format électronique depuis février 2020 et le sera en version papier dès le 26 mars. Une traduction française est prévue aux éditions Delachaux et Niestlé en 2021.

L’art et la science se rencontrent

Sur plus de 300 pages, le livre relate tout ce qui a trait à la physiologie, au comportement social et sexuel, ou encore à la démographie de l’effraie des clochers (Tyto alba) et de ses proches parentes: l’effraie de prairie, l’effraie ombrée et l’effraie masquée. On y apprend, par exemple, que les jeunes font preuve d’une remarquable capacité de négociation: lorsque les parents chassent, les oisillons restés au nid piaillent poliment, sans se couper la parole, pour déterminer qui sera le premier à passer à table à l’arrivée du festin. Une des thématiques phare des recherches d’Alexandre Roulin.

Au sein des fratries, les jeunes négocient poliment pour déterminer qui, au retour des parents, aura droit à la prochaine proie. © Laurent Willenegger

L’ouvrage s’adresse aussi bien à des chercheurs qu’à des amoureux de la nature. Les faits scientifiques sont là, servis par une maquette dynamique et un remarquable travail artistique. Un choix délibéré de l’auteur, qui souhaitait un livre accessible à chacun, loin des carcans académiques. Aux élégants coups de crayons viennent s’ajouter de nombreuses photos, graphiques et cartes. Celles-ci ont été en grande partie réalisées par Alexandre Hirzel, spécialiste en systèmes d'information géographique au Centre informatique de l’UNIL.

3693 études condensées dans un ouvrage

Alexandre Roulin commence à étudier les chouettes en tant qu’ornithologue amateur bien avant de se tourner vers le monde universitaire. En 1990, alors qu’il est apprenti dessinateur en génie civil, le Broyard passe une semaine à la bibliothèque de la Station ornithologique suisse, à Sempach, pour récolter tout ce qui touche à l’effraie des clochers. Il ne s’arrêtera plus et en fera le cœur de son activité. Il y a 10 ans, c’est un total de 3693 études scientifiques, remontant jusqu’au milieu du XIXe siècle, que le biologiste commence à lire – souvent en marchant par manque de temps –, décortiquer et résumer. Il construit, petit à petit, ce qui deviendra Barn Owls, Evolution and Ecology.

«La réalisation de cette monographie m’a permis de mettre mes travaux en perspective dans un contexte plus large», souligne le biologiste qui avoue que la chouette n’est pas son oiseau favori. «Je préfère le martinet noir. J’en ai recueilli un pendant un mois, je me baladais en ville avec! À part pondre, ces oiseaux font tout en volant; manger, dormir, s’accoupler…» Autre coup de cœur: l’autour des palombes. En témoigne le dessin au crayon pendu au mur de son bureau, signé Alexandre Roulin, 1989. «C’est hyper puissant ces rapaces, ça bouffe des poules. Mais l’effraie reste la plus intéressante du point de vue scientifique: elle est cosmopolite – présente sur tous les continents à l’exception de l’Antarctique –, la couleur de son plumage varie du blanc au roux foncé, ce qui témoigne d’une capacité d’adaptation hors pair. Et elle est capable de négociations rares dans le monde animal.» D’ailleurs, le professeur travaille déjà sur deux nouveaux ouvrages grand public consacrés à ce rapace nocturne: un premier le comparant à l’être humain et un second reprenant des faits scientifiques sous forme de dessins humoristiques.

 

Publié du 26 mars 2020 au 30 avril 2020
par Mélanie Affentranger - Communication FBM
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