Hurlements à la mort

Des chercheurs de l’UNIL révèlent deux siècles de persécution du loup grâce à son ADN. Leur travail est publié par la revue Proceedings of the Royal Society of London B.

Christophe Dufresnes et Luca Fumagalli. Fabrice Ducrest © UNIL

Autrefois le mammifère le plus répandu géographiquement sur Terre, le loup a été éradiqué de la majeure partie de son aire de distribution originaire. Y compris des Alpes suisses, où les derniers spécimens ont été tués avant la fin du XIXe siècle, avant son retentissant retour naturel il y a une vingtaine d'années. A-t-il vraiment disparu ? Pas tout à fait, car les musées en conservent de nombreux exemplaires historiques dans leurs collections. Des chercheurs de l'UNIL ont voulu connaître les conséquences au niveau génétique de ce déclin spectaculaire, en analysant l'ADN de centaines de spécimens européens datant des deux cents dernières années. L’étude vient d’être publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society of London B.

Les analyses ont montré que la diversité génétique des loups en Europe, soit le degré de variété des gènes au sein d’une population ou d’une espèce, était presque deux fois plus élevée il y a un siècle qu'elle ne l'est aujourd'hui. En parallèle, les populations étaient moins différenciées génétiquement (moins d’accumulation des différences génétiques entre populations partiellement ou totalement isolées), signe d'une meilleure connectivité historique et de tailles de population plus grandes. Ces résultats démontrent les conséquences génétiques directes des persécutions humaines subies par le loup jusqu'au XXe siècle à l'échelle continentale. Par exemple, l’identité génétique de la sous-espèce italienne du loup (qui a recolonisé la Suisse) n’est que le produit de ce déclin, alors qu’elle n'était qu’une lignée parmi tant d’autres, présente également ailleurs en Europe il y a à peine un siècle.

Différence entre l’Ouest et l’Est
Plus intéressant encore, cette signature génétique diffère considérablement entre l'Europe occidentale et l'Europe orientale, du fait de différences culturelles et biogéographiques. En Europe de l'Ouest, les loups ont été presque totalement exterminés. Conséquence directe : la diversité s'est effondrée au tournant du XXe siècle et la recolonisation de la part de quelques populations résiduelles a provoqué des changements drastiques de la composition génétique. En revanche, en Europe de l’Est, où le déclin n’a jamais été aussi extrême, les niveaux de diversité et la composition génétique des populations sont globalement restés les mêmes.

150 loups analysés
Grâce à la générosité de dizaines de musées répartis de la Norvège à la Sicile, et du Portugal à la Russie, une équipe de scientifiques dirigée par le Dr Luca Fumagalli (Département d’écologie et évolution de l’UNIL et Centre universitaire romand de médecine légale) a analysé des centaines de spécimens historiques (os et peaux) avec un arsenal de techniques high-tech, ce qui est en soi un défi technique d'ampleur en raison de leur faible teneur en ADN et de leur dégradation importante. Le résultat en valait la peine : l'ADN de plus de 150 spécimens de loups tués à l'apogée de la période de persécution (XIXe - XXe siècle) a pu être séquencé, pour ce qui constitue à ce jour un des plus gros travaux d'envergure analysant de l'ADN historique. En collaboration avec le Dr Christophe Dufresnes (Département d’écologie et évolution de l’UNIL et Department of Animal & Plant Sciences, University of  Sheffield, UK), ces données ont été comparées aux données préhistoriques et contemporaines à disposition dans la littérature scientifique afin de retracer l'histoire génétique du loup sur notre continent, de la dernière époque glaciaire à nos jours, et ainsi de mieux comprendre les conséquences des actions humaines ayant mené au déclin sans précédent de cette espèce.

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Publié du 2 août 2018 au 30 août 2018
par Unicom
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