Un traitement inédit pour une maladie rare jusqu’alors incurable

Il n’est pas si rare de souffrir d’une maladie rare… rien qu’en Europe, celles-ci touchent directement ou indirectement l’équivalent de la population du Benelux, soit plus de 27 millions de personnes si on inclut les patients et leurs proches. Bonne nouvelle cependant pour l’une d’entre elles: un traitement expérimental unique en son genre est parvenu à «faire suer» trois jeunes patients! Les résultats de l’étude menée par l’équipe du DrSc. Pascal Schneider du Département de biochimie de l’UNIL sont publiés dans l’édition du 26 avril 2018 de la revue médicale "The New England Journal of Medicine".

Structure de la protéine ectodysplasine qui s’assemble naturellement par trois. On en mettrait 200'000 bout à bout dans un millimètre. Chez les jumeaux traités, la déficience touche l’acide aminé indiqué en rouge, empêchant totalement la production et l’action de l’ectodysplasine. Le principe de la thérapie est élémentaire: remplacer l’ectodysplasine défectueuse par de l’ectodysplasine artificielle. © Pascal Schneider - Département de biochimie, UNIL.

XLHED, pour «Dysplasie ectodermique hypohidrotique liée au chromosome X», tel est le nom peu mélodieux de la maladie qui est au centre des recherches menées par le DrSc. Pascal Schneider, PD & MER1 au Département de biochimie de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, en collaboration avec le Dr Holm Schneider, pédiatre à Erlangen, en Allemagne, où se situe un centre de référence pour cette pathologie.

Les patients sont incapables de transpirer

Maladie génétique du développement de l’ectoderme, la XLHED inactive l’ectodysplasine, une protéine qui permet la formation des structures dérivées de la peau du fœtus. «Sans ectodysplasine, pas de glandes sudoripares et donc pas de transpiration dont le rôle est de refroidir le corps par évaporation d’eau, ce qui expose les patients à des ‘surchauffes’ dangereuses, voire fatales», détaille Pascal Schneider. «Désastre aussi du côté des mâchoires qui n’arborent en moyenne que six dents anormalement pointues». Ces déficiences touchent aussi bien les hommes que les femmes.

Une thérapie protéinique durant la grossesse

L’équipe germano-lausannoise, qui a débuté ses travaux en 2003 en traitant d’abord des souris puis des chiens (2007) malades, a pu appliquer sa découverte à l’être humain grâce à l’implication de l’entreprise Edimer Pharmaceuticals basée à Boston, aux Etats-Unis. Si le traitement est octroyé après la naissance, il est malheureusement déjà trop tard. Les scientifiques ont ainsi opté pour un traitement in utero en injectant, par une procédure semblable à l’amniocentèse, de l’ectodysplasine artificiellement produite dans le liquide amniotique maternel qui baigne le fœtus. «Bien que le médicament se retrouve à l’extérieur du fœtus d’où il ne peut agir, le fœtus collabore en avalant le liquide amniotique. Le remède conçu pour passer de l’intestin au sang fœtal peut alors lancer le développement des glandes sudoripares et des dents, un peu comme on presserait sur un interrupteur pour allumer la lumière», résume Pascal Schneider.

Un seul traitement pourrait durer à vie

Les deux premiers bénéficiaires du traitement, qui a eu lieu à Erlangen, sont des jumeaux maintenant âgés de deux ans qui transpirent tout à fait normalement. «Du jamais vu chez des patients XLHED ! Ils ont passé comme des fleurs les périodes chaudes, si redoutées par les non-transpirants, de leurs deux premiers étés», s’enthousiasme le chercheur de l’UNIL. «Chez les souris et chez les chiens, l’effet d’un seul traitement dure à vie. Espérons qu’il en soit de même pour l’humain». Un troisième bébé a depuis été traité avec succès et d'autres essais cliniques sont actuellement en discussion.

Publié du 26 avril 2018 au 27 mai 2018
par Manuela Palma De Figueiredo - Communication FBM
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