Notre premier Doyen de la FGSE, le prof. hon. Jean Hernandez, est un proche de Jacques Dubochet; il nous livre ses réflexions sur la vision de la science qui a sous-tendu le remarquable travail de ce scientifique et qui puise aux mêmes sources que la philosophie qui a inspiré la création de notre Faculté »
Jacques Dubochet, professeur d’analyse structurale à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, vient de recevoir le prix Nobel de chimie, avec Joachim Franck et Richard Henderson. Certes, toute l’Université est honorée de ce choix ; mais quel rapport avec la Faculté des géosciences et de l’environnement ? Et pourquoi ce billet ? Tout simplement, parce que je pense que le parcours de Jacques Dubochet est exemplaire et emblématique des valeurs que nous avons mises en exergue dans notre Faculté lors de sa création et depuis et cela mérite d’être rapidement retracé.
Physicien de formation à l’EPUL (l’ancêtre de l’EPFL), il va opter pour une thèse en biophysique, découvrir les techniques de vitrification de l’eau, permettre l’imagerie à haute résolution de la matière vivante sans modification ou transformation. Un trajet interdisciplinaire aux frontières de la biologie, de la cristallographie, de l’analyse microstructurale et qui se conclut par un prix Nobel de chimie !
Outre ses qualités de chercheur « transversal », Jacques Dubochet possède une conscience profonde de la responsabilité sociale du chercheur. Acteur engagé dans la vie et la politique universitaire, il a notamment œuvré avec conviction à l’égalité homme-femme au sein de l’Université, créé un cursus « Biologie et société », participé assidument à un séminaire d’éthique annuel.
Cet homme curieux de tout et de tous, invite souvent ses collègues de toutes disciplines à des repas en tête à tête durant lesquels il les bombarde de questions sur ce qu’ils font, leurs objectifs, les raisons de leur recherche, en prenant des notes sur un petit carnet qui l’accompagne partout. Jacques Dubochet a gardé, si je puis dire, les yeux de l’enfant… et comme eux pose des questions parfois dérangeantes. Ces échanges qui débordent souvent sur des questions de philosophie des sciences sont toujours d’une grande richesse.
Jacques est un homme de partage que la vie universitaire n’a pas formaté ; homme libre mais conscient des enjeux et périls de notre société actuelle, « pessimiste joyeux » parfois, son engagement écologiste dans sa ville de Morges est une réalité.
Le parcours de Jacques Dubochet est bien un modèle pour nos jeunes chercheurs. Il illustre ce que nous avons voulu pour la FGSE : pluri-disciplinarité, recherche aux interfaces, socialisation du chercheur, liberté de conscience, sensibilité à la nature. Il illustre mieux que quiconque l’ouverture aux savoirs et l’ouverture au monde de l’Université de Lausanne.