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Spécialiste de l'écologie et de l'évolution du parasitisme, le Dr. Philippe Christe et son équipe du Département d'écologie et évolution (DEE) de l'UNIL ont fait une importante découverte concernant les chauves-souris vivant sous nos latitudes: jusqu'à 50% d'entre elles, selon les espèces, sont porteuses de la malaria. Le parasite vecteur de ce mal n'est pas un moustique comme chez l'homme, mais une mouche dépourvue d'ailes.
Le paludisme, également appelé malaria, est une maladie communément associée aux régions tropicales et à l'homme. Toutefois, cette pathologie est aussi présente chez les reptiles, les oiseaux et, parmi les mammifères, chez les primates, les chauves-souris et les rongeurs. Bien que la découverte de la malaria chez les chauves-souris remonte à la fin du 19ème siècle en Italie et que cette maladie ait fait l'objet de quelques études en région tropicale dans les années 1960, l'étude de ce parasite en Europe était tombée dans l'oubli. Ce n'est qu'en 2009 que l'équipe de l'UNIL s'est à nouveau intéressée à lui.
Une distribution mondiale du parasite
Réalisées dans le cadre du travail de Master d'Audrey Megali, lauréate du Prix de la Faculté de Biologie et de Médecine 2010, les recherches du Dr. Philippe Christe démontrent que cette affection ne se limite pas aux seuls pays tropicaux. Présente également dans les zones tempérées, elle touche dans une proportion importante les chauves-souris de nos régions, notamment le Grand murin. «Chez certaines espèces de chauves-souris en Suisse, la malaria peut infecter 50% des individus. Les séquences du parasite incriminé, Polychromophilus murinus, nous ont permis d'établir qu'il s'agit de la même espèce de parasite que celle présente chez les chauves-souris africaines et asiatiques, précise Philippe Christe. On peut ainsi conclure à une distribution mondiale de ce parasite. La malaria chez les chauves-souris européennes semble être provoquée par seulement deux espèces de Polychromophilus. Cela contraste fortement avec les dizaines d'espèces de Plasmodium que l'on trouve chez les oiseaux».
Les travaux de l'équipe lausannoise ont par ailleurs permis de confirmer que le parasite est transmis par une mouche dépourvue d'ailes et non pas par des moustiques, comme cela est le cas pour la malaria chez les autres mammifères. Cette mouche, de son nom latin Nycteribia kolenatii, vit en permanence sur la chauve-souris et se nourrit exclusivement de son sang.
Apprendre des animaux sauvages pour soigner l'homme
Outre les études menées sur les interactions hôte-parasite chez les chauves-souris, le groupe de recherche du Dr. Philippe Christe étudie également les facteurs écologiques qui favorisent la transmission du paludisme entre moustiques et populations d'oiseaux sauvages. Ces différentes études, menées en condition naturelle, ont l'avantage de s'intéresser aux mécanismes de défenses anti-malaria d'espèces sauvages soumises à la sélection naturelle. Elles représentent ainsi un complément nécessaire et bienvenu aux études conduites en laboratoire avec des associations hôtes-parasites artificielles. «Ces recherches peuvent ouvrir de nouvelles voies d'investigation sur la malaria chez l'homme, responsable d'une forte mortalité infantile, particulièrement en Afrique subsaharienne», conclut Philippe Christe.
Les résultats de l'équipe du Dr. Philippe Christe sont publiés dans un numéro spécial de la revue Molecular Ecology intitulé "Frontiers in host-parasite ecology and evolution" (édition de mars 2011).