À l’occasion des 175 ans de l'État fédéral suisse, une étude menée par Andrea Pilotti, maître d’enseignement et de recherche en science politique à l’Université de Lausanne, dresse un portrait fascinant de l'évolution de l'Assemblée fédérale entre 1848 et 2023.
Cette étude met en lumière les dynamiques de genre, d'âge, de formation et de profession, tout en soulignant des tendances récentes comme la montée de l'UDC et la féminisation progressive du Parlement. Malgré des changements apparents, certaines structures de pouvoir restent stables à travers le temps.
Avancée de l’UDC et recul des écologistes
Les récentes élections fédérales de 2023 ont vu l’UDC renforcer sa position sous la Coupole fédérale. Avec un gain de neuf sièges, ce parti de droite a consolidé son statut de plus grande force politique suisse, en particulier au Conseil national. Cette progression s’est accompagnée d’un net recul des partis écologistes, à savoir les Vert·e·s et des Vert’libéraux, qui ont perdu respectivement sept et cinq sièges par rapport à 2019.
Féminisation du Parlement : une tendance en léger recul
L’étude souligne une évolution contrastée en matière de représentation des femmes. Après une forte progression en 2019, où leur proportion au sein de l’Assemblée fédérale avait atteint 38,6 %, 2023 marque un léger recul avec 37,8 %. Cette baisse est principalement due aux résultats de l’UDC, un parti qui compte historiquement peu de femmes élues. Toutefois, certaines nuances sont à relever : si le Conseil national a vu la proportion de femmes baisser, le Conseil des États a enregistré une hausse significative, atteignant le taux le plus élevé de son histoire en matière de représentation féminine.
Les partis de gauche continuent de se démarquer par une majorité féminine parmi leurs élu·e·s. Les deputations des Vert·e·s et du Parti socialiste (PS) comptent environ 60 % de femmes, une tendance qui s’étend également aux Vert’libéraux, qui enregistrent la plus forte proportion d’élues avec 63,6 %.
Un parlement vieillissant, mais des contrastes entre les partis
L’âge moyen des parlementaires reste stable, autour de 50 ans. Néanmoins, l’étude révèle un vieillissement de l’Assemblée fédérale avec une baisse de la part des membres de moins de 40 ans et une hausse de celles et ceux âgé·e·s de plus de 60 ans. Ce phénomène est particulièrement marqué au Conseil des États, où les plus de 60 ans représentent désormais près de la moitié des membres. À l’inverse, les partis de gauche tels que le PS et les Vert·e·s présentent des délégations plus jeunes, avec un âge moyen de 47 ans. Cette tendance à la jeunesse contraste avec celle du Centre, dont l’âge moyen atteint presque 56 ans, soit le plus élevé parmi les partis.
Le recul des universitaires et la montée des indépendant·e·s
Une autre transformation notable est la diminution du nombre de parlementaires titulaires d’un diplôme universitaire. En 2023, la proportion d’élu·e·s ayant une formation académique a diminué à 56,9 %, contre 61,4 % en 2019. Cette baisse s’explique en grande partie par la montée en puissance de l’UDC, où seul·e·s 31 % des élu·e·s ont achevé des études universitaires. En revanche, les femmes parlementaires continuent de se distinguer par un taux d’universitaires supérieur à celui de leurs homologues masculins, avec un écart à 66,7 % contre 51 %.
En termes de professions, le Parlement de 2023 voit la prédominance des indépendant·e·s et des professionnel·le·s de la politique se renforcer, tandis que la part des salarié·e·s du privé et du public diminue. Les parlementaires de profession, celles et ceux qui consacrent la majorité de leur temps à leur mandat, sont en forte augmentation, notamment au Conseil des États, où iels représentent 45,7 % des membres. L’étude soulève une évolution historique concernant la proportion des parlementaires ayant un grade d’officier de l’armée : composée de 52,9% d’officiers militaires en 1848, l’Assemblée fédérale en compte aujourd’hui 15,4%. Ces derniers sont principalement issus des partis de droite (UDC, PLR).
Une élite en transformation mais toujours sélective
Au terme de cette étude, Andrea Pilotti souligne que l’Assemblée fédérale suisse, malgré une certaine démocratisation avec l'augmentation de la représentation des femmes et la baisse de la présence militaire, reste une institution marquée par une forte sélectivité socioprofessionnelle. Les indépendant·e·s, les diplômé·e·s universitaires et les professionnel·le·s de la politique continuent de dominer une institution qui, bien que reflétant certaines évolutions de la société suisse, demeure le bastion de certaines élites traditionnelles.
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