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Hermaphrodisme ou sexes séparés : une équipe de chercheurs du Département d’écologie et évolution de l’UNIL est parvenue à mettre en lumière les mécanismes à l’origine des variations dans les systèmes de détermination du sexe. Les résultats de son étude sont à découvrir dans l’édition du 24 septembre 2024 de la revue «PNAS».
Chez les plantes comme chez les animaux, deux mécanismes génétiques principaux déterminent le sexe biologique d’un individu: les systèmes dits XY, comme chez les humains, où les femelles sont homozygotes* (XX) et les mâles sont hétérozygotes** (XY); et les systèmes dits ZW, comme chez les oiseaux, où ce sont les femelles qui sont hétérozygotes (ZW) et les mâles homozygotes (ZZ). Une question majeure en biologie évolutive réside ainsi dans le fait de comprendre cette variation et d'identifier les facteurs qui expliquent pourquoi certaines espèces ont acquis un système XY et d'autres un système ZW.
Dans un article publié ce jour dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), Thomas Lesaffre, John Pannell et Charles Mullon au Département d’écologie et évolution (DEE) de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, amènent des éléments de réponse.
Entre hermaphrodisme et sexes séparés
Pour mener à bien leurs investigations, les scientifiques se sont intéressés plus spécifiquement aux plantes à fleurs, chez lesquelles l’hermaphrodisme est la norme (près de 90% des espèces). «Ce phénomène biologique, où les individus produisent à la fois des gamètes mâles et des gamètes femelles, revêt un caractère ancestral qui remonte à des millions d’années et qui se retrouve chez l’ancêtre commun à plusieurs espèces», précise le DrSc. Thomas Lesaffre, premier assistant au DEE et premier auteur de l’étude. «L’hermaphrodisme a un aspect ‘simple et pratique’, car il permet aux plantes de s’autoféconder. Il peut toutefois avoir certains travers : source de consanguinité, il engendre un risque de produire des descendants dont les chances de survie et la fertilité sont faibles», poursuit le biologiste de l’évolution.
Pour pallier ce phénomène, un petit pourcentage de plantes à fleurs (5-6%) est passé, au cours de l’évolution, de l’hermaphrodisme à un système de sexes séparés (ou dioécie), où chaque individu produit un seul type de gamètes. On parle alors de transition évolutive.
Dans leur étude, les chercheurs lausannois ont analysé l'émergence des systèmes de détermination du sexe lors des transitions évolutives de l'hermaphrodisme vers des sexes séparés chez les plantes et certaines espèces d’animaux. «En nous appuyant sur des modèles mathématiques, nous avons pu démontrer que la sélection peut influencer l'évolution vers des systèmes XY ou ZW en fonction de l'écologie des populations (pollinisation par le vent ou par des animaux, espérance de vie et taille de l’espèce concernée, présence de prédateurs, etc.), détaille le Pr Charles Mullon, directeur des travaux. L’adoption de systèmes de sexes séparés permet aux plantes de contourner la problématique de l’autofécondation, et donc de la consanguinité liée à l’hermaphrodisme.»
Un biais a toutefois été observé dans cette évolution, puisque la plupart des espèces en transition vers la séparation des sexes (85% d’entre elles) semblent acquérir la détermination sexuelle XY plutôt que ZW. «Nos résultats proposent une première hypothèse adaptative pour expliquer cette asymétrie. Nous montrons que des conditions communes pour ces plantes, comme l'autofécondation et ses conséquences néfastes pour la qualité de la descendance produite, favorisent le système XY plutôt que le ZW», complète le Pr John Pannell.
Une meilleure compréhension des mécanismes évolutifs
Les recherches de l’équipe lausannoise offrent une nouvelle perspective pour mieux appréhender la variation dans les systèmes de détermination du sexe, enrichissant ainsi la compréhension des mécanismes évolutifs qui façonnent la diversité biologique entre les sexes chez les plantes et les animaux. «Au-delà du sexe et de la détermination du sexe, nos modèles permettent de mieux comprendre d’où vient l’incroyable diversité des fleurs», conclut Thomas Lesaffre. Un «abominable mystère» selon Charles Darwin, qui cherchait à percer le secret de ces corolles parvenues à conquérir la planète en un temps record.
*Se dit d'une cellule ou d'un individu qui possède deux gènes identiques sur chaque chromosome de la même paire.
** Se dit d'une cellule ou d'un individu qui possède deux gènes différents (récessif et dominant) sur chaque chromosome de la même paire (opposé à homozygote).
Légende complète de l'image :
La mercuriale annuelle (Mercurialis annua) est une espèce de plante à sexes séparés étudiée par le groupe du Pr John Pannell à l'UNIL. L’image A montre une plante mâle, et l’image B une plante femelle. L’image C présente une plante hermaphrodite obtenue par une approche d'évolution expérimentale, qui porte à la fois des fleurs femelles et des fleurs mâles (les fleurs femelles sont indiquées par les flèches bleues et les fleurs mâles sont indiquées par les flèches jaunes). La nouvelle étude parue dans «PNAS» révèle comment l’évolution peut conduire de l’hermaphrodisme (image C), aux sexes séparés (images A et B).