Le Prix de la Société vaudoise d’utilité publique (SVUP) récompense cette année le travail de Laurence Fedrigo, docteure en psychologie, pour sa thèse sur les défis de l’intégration sociale et professionnelle des personnes réfugiées en Suisse romande.
Félicitations pour l’obtention du Prix de la SVUP ! Qu’avez-vous éprouvé en recevant ce prix ?
J’ai été très honorée ! Découvrir que mes recherches contribuent à l’utilité publique est pour moi la plus belle des reconnaissances.
Présentez-nous en quelques mots le sujet de votre thèse et les méthodes utilisées.
Je me suis intéressée au vécu des personnes réfugiées, aux aides et difficultés rencontrées durant leurs parcours, à leurs façons de faire un choix et de construire un projet et à leur rapport au travail. Pour cela, j’ai réalisé des entretiens qualitatifs avec 22 personnes qui ont accepté de me partager leurs expériences. J’ai également réalisé un focus group avec trois participantes femmes pour investiguer les spécificités du vécu des femmes réfugiées.
Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
J’ai d’abord réalisé mon mémoire de master en réponse à la demande d’une association qui souhaitait mettre à jour l’étalonnage d’un questionnaire d’aptitudes non-verbales utilisé auprès d’une population issue de la migration. Ce travail m’a donné l’occasion de questionner la pertinence de l’utilisation de tels questionnaires pour un public qui ne partageait pas les mêmes constructions sociales et culturelles des concepts scolaires et de réfléchir à des alternatives. J’ai ensuite effectué un stage au Bureau cantonal de l’intégration des étrangers et la prévention du racisme (BCI) du canton de Vaud au moment des discussions sur l’élaboration de l’Agenda Intégration Suisse. Ces deux expériences m’ont donné l’envie d’apprendre davantage sur le vécu des personnes issues de l’asile et leurs visions des difficultés et ressources qu’elles perçoivent dans leurs parcours.
Quels sont les principaux résultats de votre travail ?
Mes recherches ont montré la complexité et l’hétérogénéité des parcours des personnes réfugiées ainsi que la multitude des difficultés rencontrées à plusieurs niveaux. Ces difficultés interrogent sur leur possibilité réelle de faire un choix d’orientation et de construire un projet professionnel qui soit en adéquation avec leurs aspirations. Les résultats ont souligné l’importance d’un soutien social institutionnel qui soit adapté à leurs besoins, qui valorise leurs ressources et aide à contrer les obstacles. Pour certain·e·s, la dimension sociale semble indissociable du travail, malgré la situation extrême de migration forcée, à travers le besoin de contribution sociale ou de devoir moral envers la société. Ce résultat questionne la vision individualiste et occidentale du travail qui place le travail au centre de toute préoccupation et comme un gage d’intégration. Enfin, les femmes rencontrent des difficultés spécifiques dans l’accès aux cours de français, à la formation et au marché du travail, tout en devant composer avec des attentes de rôle genrées.
Selon vous, comment votre travail peut-il contribuer à faciliter l’intégration sociale et professionnelle des personnes réfugiées en Suisse romande ?
Partant d’une meilleure compréhension du vécu des personnes réfugiées et de leurs perspectives, de nombreuses actions concrètes peuvent s’engager. D’abord par la dénonciation des restrictions qui découlent du permis provisoire F qui sont contreproductives et qui entravent le processus d’intégration sociale et professionnelle. Ensuite, par la promotion des échanges avec la population locale afin de construire un sentiment d’appartenance. Enfin, par la reconnaissance des difficultés rencontrées par les femmes réfugiées et la mise en place d’interventions spécifiques pour favoriser l’accès au marché du travail, la conciliation des obligations familiales avec une activité professionnelle et lutter contre l’invisibilisation et la déqualification professionnelle dont elles sont plus fréquemment touchées.
Comment envisagez-vous la suite de votre parcours professionnel ?
J’aimerais poursuivre mon engagement auprès de cette population, que ce soit par le biais de la recherche ou sur le terrain.