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Des scientifiques au sein de la FBM-UNIL ont identifié un nouveau rôle du locus cœruleus dans le sommeil et ses troubles. Cette région cérébrale permet la transition entre les états du sommeil et le maintien d’une vigilance inconsciente essentielle. Le stress perturbe ses fonctions et impacte la qualité du sommeil.
Les troubles du sommeil affectent un nombre grandissant de personnes, avec des conséquences potentiellement graves sur leur santé. Le sommeil des mammifères est constitué de cycles entre deux états: les sommeils profond (appelé sommeil ‘NREM’) et paradoxal (appelé sommeil ‘REM’). Mais les règles qui gouvernent ces cycles restent peu connues. Une étude menée par l’équipe de la professeure Anita Lüthi, chercheuse au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de biologie et médecine (FBM) à l’Université de Lausanne (UNIL) montre pour la première fois que le locus cœruleus (LC), une région du tronc cérébral, est impliquée dans l’organisation du sommeil.
Le LC était jusqu’ici connu comme le régulateur majeur de la capacité de réagir face à une situation dangereuse pendant l’éveil. L’étude menée par l'équipe d'Anita Lüthi et publiée dans Nature Neuroscience, montre que le LC détermine les moments où la transition entre les deux états du sommeil est permise et maintient ainsi la cyclicité normale du sommeil. Selon la chercheuse, «les expériences vécues durant la journée, notamment le stress, perturbent la fonction du LC et peuvent entraîner des bouleversements du cycle du sommeil et des éveils fréquents.» Ces découvertes offrent des pistes cruciales pour une meilleure compréhension des troubles du sommeil en vue d’une amélioration des traitements.
La structure du sommeil redéfinie
Le LC, reconnu depuis longtemps comme le centre de production de la noradrénaline — hormone principale régissant notre capacité à réagir face aux adversités environnementales en mobilisant le cerveau et le corps —, est essentiel pour l’éveil cognitif. Pendant le sommeil, son activité devient fluctuante, alternant entre des pics et des creux à des intervalles d’environ 50 secondes. Le rôle de cette activité demeurait jusqu’ici mal compris. Grâce à la mise en place de technologies de pointe, les neuroscientifiques de l’UNIL ont réussi à investir très spécifiquement des voies neuronales de cette région du cerveau chez la souris. «Nous avons ainsi constaté que et les pics et les creux de l’activité fluctuante du LC jouent chacun un rôle clé dans l’organisation du sommeil. C’est un nouvel élément structurel du sommeil, il fonctionne un peu comme une horloge», explique un des trois auteurs principaux de l’étude, Georgios Foustoukos.
Leurs résultats montrent que le sommeil se compose d’unités structurelles jusqu’alors inconnues, pendant lesquelles deux fonctions sont coordonnées de façon séquentielle. Pendant les pics, une partie du cerveau sous-cortical est mis dans un état plus éveillé, grâce à la noradrénaline, ce qui permet une vigilance inconsciente face à l’environnement et aux dangers potentiels. En revanche, pendant les creux, des transitions vers le sommeil REM sont possibles.
Deux fonctions clés pour un sommeil réparateur
Dans des conditions normales, le sommeil NREM humain se divise en quatre stades distincts correspondant aux périodes les plus profondes du sommeil. Le sommeil REM, en revanche, est caractérisé par une activité cérébrale élevée associée aux rêves et occupe environ un quart de la nuit. Une nuit typique alterne, de manière coordonnée, entre les états de sommeil NREM et REM, permettant ainsi au corps et à l’esprit de se reposer et de récupérer. Les neuroscientifiques ont identifié le LC comme garde-barrière de ces transitions, contrôlant précisément les moments où le passage du sommeil NREM à celui REM peut se produire, soit aux moments des creux d’activité.
Cependant, les scientifiques ont découvert que lorsque l’activité du LC est élevée, elle entraîne une production accrue de noradrénaline qui rend certaines zones du cerveau plus sensibles à l’éveil, sans toutefois réveiller l'organisme. Cet état représente un type d’éveil jusqu’alors inconnu permettant de maintenir une certaine vigilance envers l’environnement et le corps pendant le sommeil, et facilitant ainsi un éveil complet et rapide en cas d’urgence. «En d’autres termes, le cerveau est semi-éveillé au niveau sous-cortical, alors qu’il est endormi au niveau cortical», précise Anita Lüthi.
Un espoir pour les troubles du sommeil
Forte de ces constats, l’étude montre que des conditions stressantes chez la souris peuvent perturber le sommeil en augmentant l’activité du LC, ce qui retarde l’apparition du sommeil REM et fragmente le sommeil NREM par trop d’éveils engageant les aires sous-corticales et corticales. Pour Anita Lüthi, ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles applications cliniques pour les personnes touchées par des troubles du sommeil: «Nos découvertes peuvent aider à mieux comprendre l’anxiété ou d’autres troubles liés au sommeil. En plus, elles offrent des pistes pour de nouveaux traitements, par exemple l’utilisation du LC comme biomarqueur pour surveiller et éventuellement corriger les cycles du sommeil. Un aspect fort de notre travail est que nous amenons les activités neuronales du sommeil très proches aux mesures de sommeil utilisée dans l’hôpital.» Des collaborations cliniques avec le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) ont ainsi pu être initiées pour évaluer si les mécanismes identifiés chez la souris peuvent être appliqués au sommeil humain.
Finalement, l’étude ouvre également des pistes pour comprendre le sommeil à travers l’évolution des espèces. Contrairement aux mammifères, qui possèdent deux états distincts de sommeil, certaines espèces archaïques, comme les reptiles, n’ont pas cette dualité bien définie. Cependant, plusieurs reptiles présentent deux types de sommeil qui alternent sur une période d’environ 50 secondes. Cela suggère que des précurseurs de l’activité du LC existaient déjà pour structurer leur sommeil ancien.
>> Lire le communiqué de presse en anglais sur EurekAlert!