Une nouvelle approche statistique publiée dans la revue PNAS révèle une avancée majeure dans la mesure de la consanguinité. Sous la direction de Jérôme Goudet, professeur à l’UNIL et chef de groupe au SIB, les auteur·e·s ont mis au point une méthode prometteuse pour l’étude des espèces menacées. Celle-ci permet d'évaluer la santé génétique de populations, même très restreintes, et de contribuer ainsi à la conservation de la biodiversité.
Une nouvelle méthode statistique développée par l’équipe de Jérôme Goudet, chef de groupe au Swiss Institute of Bioinformatics (SIB) et professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’Université de Lausanne (UNIL), ouvre la voie à une détection plus précise de la dépression de consanguinité*. Elle fait l’objet d’une publication dans la dernière édition des Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). La quantification exacte de cette consanguinité, qui peut avoir des conséquences graves sur la santé d’une population, est importante pour guider efficacement les efforts de conservation de la biodiversité.
Surmonter les biais connus
Les méthodes traditionnelles de mesure de la consanguinité fonctionnent bien pour les grandes populations homogènes, où la plupart des individus ne sont pas étroitement liés, comme cela est le cas pour l’espèce humaine. Ces approches montrent toutefois des limites dans les populations où les individus sont apparentés les uns aux autres à des degrés divers. Une limitation qui peut conduire à des estimations biaisées de la dépression de consanguinité et pose des défis lors de l’étude de populations comprenant peu d’individus, par exemple pour les espèces à risque d’extinction.
Afin de surmonter ce biais, les auteur·e·s ont comparé l'approche statistique classique, un modèle de régression linéaire, à un modèle mixte qui tient compte de la structure de la population. En incluant le degré de parenté entre les individus estimé à partir des données génomiques, les scientifiques ont développé une méthode fournissant des résultats fiables et pouvant être appliquée à diverses espèces. «Cette méthode innovante ouvre de nouvelles perspectives pour évaluer les effets néfastes de la consanguinité là où c'est le plus nécessaire, dans de petites populations d'espèces menacées d'extinction», précise le Pr Goudet.
Utilisation des données du «Projet 1000 Génomes»
Pour étendre leur méthodologie à des échantillons de plus petite taille et à des populations plus complexes, les auteur·e·s ont simulé des traits sur la base des données empiriques de la phase 3 du Projet 1000 Génomes. En variant la taille et l'homogénéité des groupes analysés, les spécialistes ont ainsi pu comparer l'efficacité de leur méthode pour différents types d’échantillons. Ils ont ensuite validé leur méthode sur un jeu de données empiriques de moineaux domestiques provenant d’un archipel isolé au Nord-Ouest de la Norvège, et ont pu montrer que leur approche est plus précise que la méthode traditionnelle.
Comme le relève Eléonore Lavanchy, doctorante au sein du groupe de recherche «Population Genetics and Genomics» au Département d’écologie et évolution de l’UNIL et au SIB, et première auteure de l'étude: «Ces résultats démontrent que la méthode que nous proposons fonctionne aussi dans des populations de petites tailles et des populations isolées. Celles-ci sont de plus en plus courantes en raison de la crise de la biodiversité à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui.»
*La consanguinité est le résultat de l'accouplement entre membres d'une même famille, ce qui peut entraîner une expression accrue de variants génétiques détrimentaux, ayant un impact sur les taux de survie et de reproduction. Elle est souvent associée à des conditions de santé compromises, un phénomène appelé dépression de consanguinité, qui a été observé chez de nombreuses espèces différentes, de l'homme aux animaux en passant par les plantes. La mesure de la consanguinité et de ses conséquences sur la santé est essentielle dans de nombreux domaines de la biologie, notamment la préservation de la biodiversité et des espèces menacées.
>> Lire le résumé en anglais sur le site du SIB
Article :
Lavanchy, E., Weir, B.S. and Goudet, J. (2024) Detecting inbreeding depression in structured populations. PNAS 12(19):e2315780121; https://doi.org/10.1073/pnas.2315780121