L'Université de Lausanne, la Faculté des HEC et son Département d’économie ont accueilli mardi 23 avril 2024, l’économiste Esther Duflo, lauréate du Prix Nobel d'Économie 2019, Professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et au Collège de France.
Pionnière dans les nouvelles manières de mesurer l'impact des politiques de lutte contre la pauvreté dans les pays à faible revenu, Esther Duflo a évoqué l'interaction critique entre les changements climatiques et la pauvreté, et le besoin urgent de repenser les politiques sociales et économiques.
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10% des plus riches dans le monde responsables de 50% des émissions globales
Lors de son discours, Esther Duflo a abordé la question des inégalités dans les émissions de carbone à l'échelle mondiale, soulignant que les pays développés, notamment les États-Unis et les pays membres de l’Union européenne, doivent reconnaître leur part colossale dans l'accumulation de ces émissions. Elle a notamment illustré son propos en indiquant que 10% des plus riches de la planète sont responsables de 50% des émissions globales. «Si vous prenez l'émission totale d'un Américain comptabilisé dans ces 10%, sachez qu’il émet 122 fois plus qu'une personne pauvre habitant en Afrique. » a-t-elle souligné.
L’économiste a également mis en lumière les conséquences du changement climatique pour les régions vulnérables, où des températures extrêmes exacerbent la pauvreté et les risques sanitaires. «S'il s'avère que la planète se réchauffe de deux degrés partout, la température va en moyenne passer de 20 à 22 degrés à Lausanne et de 32 à 34 degrés à Riyad ou à Faisalabad, au Pakistan. L’effet de la température sur la santé humaine n'est pas linéaire. Si vous passez de -12 à -10 degrés, c'est plutôt positif pour vous, si vous passez de 35 à 37 degrés, cela devient mauvais.»
Le fonds «pertes et dommages» de la COP28 pas à la hauteur
En 2023 à Dubaï, la COP28 s’était ouverte avec la concrétisation très attendue d'un fonds de compensation des pertes et dommages climatiques dans les pays vulnérables. Aujourd’hui, celui-ci se retrouve bien peu alimenté selon l’économiste. «Ce fonds ne dispose que de 700 millions de dollars, c’est extrêmement loin des besoins, estimés à 400 milliards de dollars par an.»
Esther Duflo a avancé plusieurs solutions pour répondre à ce manque. Parmi celles-ci, une augmentation de la taxe sur les sociétés multinationales de 15% à 21%, ainsi qu'une taxe sur la fortune des 3 000 personnes les plus riches du monde. Pour l’économiste, ces mesures permettraient de lever jusqu'à 500 milliards de dollars par an.
Plus de solidarité entre les pays riches et pauvres
En conclusion, Esther Duflo a rappelé l'importance de la solidarité globale et a pressé les pays développés d'adopter des politiques fiscales plus agressives pour soutenir les nations les plus touchées par le changement climatique. Elle a souligné que les solutions proposées ne sont pas seulement un devoir moral mais également une nécessité stratégique pour maintenir la stabilité globale de notre monde face aux défis environnementaux imminents.
Cet événement a été organisé par le Département d’économie de la Faculté des HEC dans le cadre de son cycle de conférences Walras Pareto, en collaboration avec le service UNICOM de l’UNIL.