Le Centre de neurosciences psychiatriques montre que des modifications épigénétiques surviennent lors d’un traitement psychotrope, et certaines pourraient jouer un rôle dans la survenue des effets indésirables métaboliques.
La Dre Céline Dubath du groupe de recherche du Prof. Chin B. Eap du Centre de neurosciences psychiatriques (CNP) du Département de psychiatrie (CHUV-UNIL) a publié, le 28 février 2024, un article dans la revue Clinical Epigenetics.
Cette étude a été effectuée chez des patient·es suivi·es en psychiatrie recevant des traitements pouvant induire des effets secondaires métaboliques, tels que prise de poids, diabète, hypertension ou dyslipidémie. Elle montre, notamment, que des variations épigénétiques surviennent lors de l’introduction de ces traitements. Plus précisément, des changements du niveau de méthylation de l’ADN ont été observés à certains endroits du génome, qui pourraient influencer l’expression de gènes impliqués dans la survenue des effets indésirables métaboliques. Ainsi, ce travail montre que les différences de susceptibilité à l’apparition d’effets secondaires métaboliques pourraient être en lien avec des marqueurs épigénétiques. Des recherches approfondies sont encore nécessaires pour mesurer l’impact de ces résultats.
La génétique et l’épigénétique en lien avec la réponse au traitement et à l’apparition d’effets indésirables
A la naissance, chaque individu est doté d'un patrimoine génétique qui lui est propre et qui le rend plus ou moins susceptible de développer certaines maladies. L’environnement et le parcours de vie de chacun·e vont ensuite moduler ce risque de manière à le faire augmenter ou au contraire diminuer. L’épigénétique est un domaine de recherche en plein essor et désigne un ensemble de facteurs liés à l’ADN, qui sont modulés par l’environnement et qui ont le potentiel de réprimer ou de favoriser l’expression des gènes. Ainsi, indépendamment du bagage génétique, des recherches récentes ont pu mettre en évidence que des variations dans la méthylation de gènes clés, la méthylation étant une modification chimique qui se produit naturellement sur la séquence ADN et qui peut être modulée par des facteurs environnementaux (processus réversible), prédisposeraient certain·es patient·es à répondre favorablement à un traitement psychotrope. De manière similaire, les effets secondaires, dont les troubles métaboliques, pourraient survenir à la suite de certaines modifications épigénétiques.
Une étude publiée dans la revue scientifique Clinical Epigenetics
L’étude, publiée le 28 février 2024 dans la revue Clinical Epigenetics, montre que le niveau de méthylation global augmente à la suite de l’introduction d’un traitement psychotrope connu pour l’apparition d’effets secondaires métaboliques. Il est important de souligner que ce changement était moins fort chez les patient·es ayant une prise de poids précoce (>5% du poids initial après 1 mois) que chez les patient·es qui maintenaient un poids stable. Des changements significatifs du niveau de méthylation ont pu être mis en évidence sur environ 50 emplacements du génome, sans différence notable liée à la prise de poids. Néanmoins, parmi les patient·es ayant une prise pondérale importante, une augmentation de la méthylation sur un endroit en particulier a été identifiée. Par ailleurs, un lien de cause à effet a pu être mis en évidence entre le taux de méthylation initial d’un endroit spécifique et le taux de glucose dans le sang, grâce à l’utilisation de données provenant d’une cohorte indépendante de personnes prenant des psychotropes en Angleterre.
En pratique, ces données préliminaires apportent une plus grande compréhension sur les mécanismes d’action des traitements psychotropes. Il reste encore à mieux caractériser l’impact des changements observés à l’initiation du traitement et ainsi améliorer la prise en charge des patient·es les plus vulnérables.
Recherches et collaborations de la Dre Céline Dubath
La Dre Céline Dubath est pharmacienne et a mené ce travail dans le cadre de sa thèse dans l'Unité de pharmacogénétique et psychopharmacologie clinique du CNP. Elle collabore depuis plusieurs années avec plusieurs services de ce département (Prof. Philippe Conus, Service de psychiatrie générale, Prof. Armin von Gunten, Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé, et Prof. Kerstin von Plessen, Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et adolescent) ainsi qu’avec d’autres centres externes. Elle s’intéresse aux effets indésirables induits par des médicaments couramment utilisés en psychiatrie. En particulier au fort risque de surpoids/obésité et à d’autres signes d’un syndrome métabolique, qui associe typiquement un diabète, une hypertension et une dyslipidémie, observés chez les patient·es souffrant d’une maladie psychiatrique. Cette augmentation du risque de syndrome métabolique est, d’une part liée aux maladies psychiatriques elles-mêmes et à des facteurs environnementaux (alimentation, manque d’activité physique), d’autre part peut être favorisée par le traitement pharmacologique.