Des fourmis guerrières, infirmières… et stars de Netflix

Les fourmis Matabele sont capables de déceler les plaies infectées de leurs congénères et de les soigner. Les travaux menés au Département d’écologie et évolution de l’UNIL concernant cette espèce africaine font l’objet d’une publication dans "Nature Communications" et d’un documentaire Netflix.

Fourmi Matabele nettoyant la plaie d'une consœur blessée (en vert) © Erik Frank

Pugnaces, les fourmis Matabele (Megaponera analis) sont connues pour les spectaculaires raids qu’elles mènent contre les termites, dont elles se nourrissent. Mais pas seulement. Cette espèce répandue dans le sud du Sahara fournit aussi le seul exemple connu (hormis l’être humain) où un être vivant utilise la «médecine» pour sauver la vie d’un congénère.

En 2017, Erik Frank, ancien postdoctorant au Département d’écologie et évolution de l’UNIL, désormais à l’Université de Würzburg (Allemagne), avait en effet découvert que ces hyménoptères venaient au secours de leurs blessés au combat. Telles de véritables brancardières, les ouvrières rapatriaient les soldates estropiées (près d’un quart sort de la bataille avec une à deux pattes manquantes) au nid, puis lèchaient leurs blessures pour les désinfecter.

Dans une nouvelle étude publiée le 29 décembre 2023 dans Nature Communications, Erik Frank montre cette fois que les fourmis Matabele sont capables de déterminer quand des plaies sont infectées, pour les traiter en conséquence. En appliquant sur les blessures divers composés antimicrobiens et protéines sécrétés par leur glande métapleurale, les ouvrières réduisent la mortalité des individus infectés de 90%.

Mais comment déterminent-elles l’état de santé de leurs camarades amochées? «Les analyses chimiques ont montré que l'infection de la plaie est associée à des changements spécifiques dans le profil d'hydrocarbures cuticulaires, permettant probablement aux congénères de diagnostiquer l'état infectieux des blessés et d'appliquer le traitement antimicrobien approprié», livre Erik Frank, premier auteur d’une recherche dirigée par Laurent Keller, ancien professeur à l’UNIL.

>> Lire l’article dans Nature Communications

Des plaines africaines à Netflix

Erik Frank a consacré toute sa jeune carrière à l’étude des fourmis Matabele. En 2020, il a signé une autobiographie (lire l’actualité) dans laquelle il relate son expérience de vie dans le Parc national de la Comoé, au nord-est de la Côte d’Ivoire, et les travaux scientifiques qu’il y a effectués. Intitulé Combattre, sauver, soigner. Une histoire de fourmis, l’ouvrage est désormais aussi disponible au format poche (Éditions CNRS).

Les découvertes du biologiste sur ces étonnantes créatures, à la fois guerrières, sauveteuses et soigneuses, sont également à l’honneur dans le récent documentaire Netflix Life on Our Planet, produit par Steven Spielberg et narré par Morgan Freeman.

>> Voir le documentaire Netflix (chapitre 5, dès 26:12)

Erik Frank (accroupi) et l'équipe de tournage dans le Parc national de la Comoé (Côte d’Ivoire), en 2021, lors de la réalisation du documentaire Netflix "Life on Our Planet". © Erik Frank
Publié du 29 décembre 2023 au 29 février 2024
par Mélanie Affentranger (Communication FBM)
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