L’attente était palpable comme jamais de mémoire d’Unilienne et d’Unilien. Les présidents Macron et Berset sont arrivés dans une salle attentive et reconnaissante. Leurs discours ont reflété l’esprit du temps et des lieux.
Comment résumer une telle rencontre ? L’accueil fait à Macron a été à la hauteur de l’attente qu’un tel événement a soulevé sur des questions brûlantes comme l’Europe, nos valeurs démocratiques, les investissements énormes et pas suffisamment déployés pour réaliser la transition énergétique, l’union avec des pays comme la Suisse au sein de la Communauté politique européenne et des universités, le rôle clé joué par la science, la résistance technologique et culturelle aux manipulations géopolitiques accentuées par l’intelligence artificielle et les réseaux sociaux, l’immigration et les tensions ethnoreligieuses sur le sol européen, au Proche-Orient et un peu partout dans le monde.
La culture, parlons-en. Ouvrant et fermant respectivement la rencontre, le recteur Frédéric Herman a mentionné le fameux film L’Auberge espagnole de Cédric Klapisch, ainsi que Stefan Zweig, et la vice-rectrice Estelle Doudet a marié la France de Victor Hugo avec la Suisse de Benjamin Constant. Alain Berset a précisé que « la science et la culture doivent cheminer ensemble » et rappelé que la promotion qui fut celle d’Emmanuel Macron à l’ENA portait le nom du poète président Léopold Sédar Senghor, lequel on s’en souvient a uni la France et le Sénégal.
« Le devoir de ma génération… »
L’unité fait partie du triptyque déployé par le président Macron, avec la souveraineté et la démocratie. Unité qu’il entend renforcer avec une « audace institutionnelle » qui englobe la Suisse dans la Communauté politique européenne pour répondre aux défis d’un Continent chahuté dans ses fondements culturels et politiques. Souveraineté européenne pour résister à une globalisation dont les effets pervers se font encore sentir notamment sur le plan industriel, énergétique, technologique, militaire : la nécessité de maintenir l’Europe au sommet de l’innovation économique, scientifique et culturelle est « le devoir de ma génération envers la vôtre », a-t-il déclaré. À l’entendre, cela ne va pas de soi ! Le risque est grand que nos dirigeants, « d’ici vingt à trente ans », ne soient plus que des « commentateurs du monde » au lieu d’être des décideurs.
L’Europe acteur majeur et modèle
Enfin, troisième élément de sa devise : la démocratie. Lutter contre la désinformation, améliorer le fonctionnement du Parlement et de l’Exécutif européens pour bien départager ce qui relève de l’inter-gouvernemental (la discussion entre chefs d’États et de gouvernements représentatifs de leurs opinions publiques) et du communautaire (la délégation de compétences au niveau européen). Il a décrit une Europe comme acteur majeur et modèle, au point de soutenir les « émergents » dans leur « sortie du charbon » et d’inciter « les grandes économies » à commercer en respectant les mêmes standards décarbonés et le souci de la biodiversité.
Paix et sécurité pour tous
Sur l’international, Emmanuel Macron s’est dit inquiet du retour des tensions ethnoreligieuses dans les Balkans (pour répondre à la question posée par un étudiant) et n’a pas manqué de relever le travail effectué par l’Europe et l’OTAN pour maintenir la stabilité en Serbie, au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine et résister avec les dirigeants de ces pays aux manœuvres de la Russie. La volonté de vivre ensemble ne doit pas être l’apanage des Européens jadis si divisés ! Elle est essentielle en ce moment au Proche-Orient ; le président français a insisté sur les atrocités subies le 7 octobre dernier par les Israéliens et la nécessité absolue d’assurer la sécurité d’Israël dans une perspective de paix, ainsi que sur l’obligation pour ce pays de respecter le droit de la guerre et le droit international humanitaire. Résumé de la position présidentielle : lutter contre le terrorisme, protéger les populations civiles, préparer d’ores et déjà le retour du politique avec « au préalable » la libération des otages détenus par le Hamas. De son côté, le président Alain Berset a rappelé l’importance d’une « désescalade », le rôle joué en ce sens par le Conseil de sécurité et dénoncé « la montée inacceptable de l’antisémitisme, que ce soit en France ou en Suisse ».
Deux pays, deux échelles
Sur l’accueil des réfugiés, Emmanuel Macron a répondu que l’Europe est la plus généreuse au monde et que le modèle social français ne peut pas résister à la pression d’un « réseau de migration économique illégale » en provenance de pays stables, qui se greffe sur la filière essentielle de l’asile politique, créant des « délais d’attente énormes » dans un pays qui dépense chaque année « deux milliards d’euros pour l’hébergement d’urgence » et qui maintient coûte que coûte des soins médicaux considérés comme « un devoir humanitaire et de santé publique ».
On le voit, les deux pays ne vivent pas tout à fait sur la même échelle sans être étrangers pour autant. Le dialogue entre les deux présidents a montré que le respect réciproque de nos différences est essentiel, par-delà les leçons un peu faciles, pour tenter d’avancer ensemble sur cette planète sous haute tension.
Retrouvez la vidéo de la venue d'Alain Berset et d'Emmanuel Macron du 16 novembre.