Grégoire Yerly a défendu sa thèse de doctorat, plongeant au cœur des discours frontaliers des partis populistes de droite. Découvrez le portrait approfondi de cette recherche captivante.
Qu'est-ce qui vous a amené à entreprendre une thèse de doctorat ?
Après avoir fini mon master à l'Université de Neuchâtel, je suis d'abord parti à l'étranger pendant plusieurs mois. En revenant, je suis tombé sur une annonce de doctorat FNS sur le thème du populisme et des frontières. Initialement, je n'avais pas l'intention de me lancer dans une thèse, mais le sujet m'a intrigué. J'ai donc décidé de postuler sur un coup de tête, et contre toute attente, ma candidature a été retenue.
Comment en êtes-vous venu à étudier ce sujet ?
Le sujet de ma thèse était déjà établi dans le cadre du projet FNS, qui se concentre sur le populisme et les espaces transfrontaliers. Le projet cherche à comprendre comment les partis populistes de droite abordent la question des frontières dans des espaces géographiquement proches des frontières nationales. Le projet est mené conjointement par le Fonds national Suisse (FNS) et le Fonds national de la recherche du Luxembourg (FNR) et privilégie une approche comparative centrée sur quatre différentes études de cas. Ma thèse s'est concentrée spécifiquement sur deux études de cas qui sont les espaces transfrontaliers de Bâle et Genève, en examinant les discours des partis populistes actifs dans ces régions. Les deux autres cas d'études concernent le Tessin ainsi que le Luxembourg.
Sur quoi porte votre thèse ?
Ma thèse porte sur l'analyse des discours des partis populistes de droite dans les espaces transfrontaliers de Bâle et Genève. Du côté français, j'ai étudié les sections locales du Rassemblement national (RN), tandis que du côté suisse, j'ai examiné le Mouvement Citoyen Genevois (MCG) et la section genevoise de l'UDC. À Bâle, j'ai également examiné les sections UDC de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne. Ma thèse combine différentes perspectives théoriques issues de la science politique, de la géographie politique, des border studies et de l'analyse des discours. Mon objectif était d'explorer comment ces partis conceptualisent la frontière, non seulement en tant que limite nationale, mais également en tant qu'outil pour construire leur vision du peuple et de leurs "ennemis" dans une perspective multiscalaire. Dans ce cadre, j'ai tenté de décrypter comment ces partis abordent la question frontalière à différentes échelles, en accordant une attention particulière aux enjeux locaux, nationaux et supranationaux. Mon objectif était d'analyser comment ces différentes échelles interagissent et sont thématisées.
Quel a été l’apport de votre recherche ?
Un apport majeur de ma thèse est d'avoir combiné différentes littératures qui sont généralement plutôt hermétiques. Cela m'a permis d'explorer le populisme à travers le prisme des concepts de la géographie politique et des border studies, en analysant les discours des partis. Cette approche représente une contribution significative, car elle tente de réunir des domaines de recherche qui n'étaient que rarement associés jusqu'à présent.
Pour ce qui est des résultats de ma recherche, j'ai identifié des facteurs endogènes et exogènes qui influencent les discours populistes sur les frontières. Les facteurs endogènes incluent l'idéologie du parti et son degré de centralisation. Certains partis sont fortement centralisés, tandis que d'autres laissent plus d'autonomie à leurs sections locales, ce qui influe sur la manière dont ils abordent la question des frontières.
Les facteurs exogènes comprennent d'abord des éléments temporels, comme l'histoire sociopolitique d'une région, qui peut créer un contexte propice à certains discours. Ensuite, il y a les facteurs socio-politiques du territoire, tels que le degré d'intégration transfrontalière, qui peuvent varier en termes de fonctionnalité, d'institutionnalisation et de structure organisationnelle. Par exemple, une forte institutionnalisation favorise les échanges et peut influencer les discours des partis populistes. Je prends les exemples de Genève et Bâle pour illustrer ces différences. À Genève, le MCG est fortement enraciné localement, ce qui se traduit par des discours axés sur les enjeux locaux et les frontaliers. En revanche, à Bâle, où l'intégration transfrontalière est très forte, les enjeux d'identité régionale sont moins prononcés, et il n'y a pas de parti régionaliste comparable au MCG à Genève. Puis, les sections locales de l'UDC à Bâle utilisent même le programme national plutôt que de mettre en avant des enjeux transfrontaliers.
Pour conclure, quelle a été votre expérience de thèse ?
Mon expérience de thèse a été à la fois stimulante et révélatrice. J'ai eu la chance de travailler avec une équipe de recherche exceptionnelle et j'ai apprécié les relations humaines que j'ai nouées avec mes collègues. Cependant, j'ai également réalisé que ce n'était pas nécessairement mon domaine de prédilection. La recherche doctorale peut être un travail solitaire, et cela a parfois pesé sur moi, en particulier lors de la rédaction de la thèse. À cela s'ajoute que la collecte de données pour mon analyse de discours se basait entièrement sur les discours des partis qu'on pouvait retrouver sur les réseaux sociaux et les programmes officiels des partis. C'était principalement un travail de récolte de textes et de codages, ce qui augmente encore cet aspect de travail solitaire.