Ce sous-type de cancer, particulièrement agressif chez les enfants et fréquent chez les adultes, répond mal aux traitements standards actuels. Grâce à une donation privée de 2,8 millions de francs coordonnée par la Fondation ISREC, le CHUV va poursuivre des recherches prometteuses, dans l’objectif de lancer un essai clinique à la fin 2024.
Le projet de recherche «FIAMMA» est mené en étroite collaboration par le Dr Francesco Ceppi, PD & MERclin à la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l'UNIL et médecin associé au sein de l’Unité d’hématologie-oncologie pédiatrique du CHUV et la Pre Caroline Arber, professeure associée à la FBM et médecin associée au Département d’oncologie UNIL-CHUV (Services d’immuno-oncologie et d’hématologie). Il s’inscrit dans la vision de recherche translationnelle du CHUV, de l’UNIL et du Ludwig Institute for Cancer Research (LICR), et reflète une collaboration étroite entre plusieurs institutions de l’Arc lémanique, réunies au sein du Swiss Cancer Center Léman (SCCL). L’étude vise à développer une nouvelle immunothérapie cellulaire pour les enfants et les adultes touchés par une leucémie myéloïde aiguë en rechute après un traitement standard.
La leucémie myéloïde aiguë répond souvent mal aux traitements disponibles
La leucémie aiguë, le cancer le plus fréquent chez l’enfant, se répartit en deux sous-types: la leucémie lymphoblastique aiguë (LLA) et la leucémie myéloïde aiguë (LMA). La LMA, particulièrement agressive chez les enfants et fréquente chez les adultes, répond mal au traitement standard actuel qui consiste en une chimiothérapie intense accompagnée, lorsque c’est possible, d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques d’un donneur sain. Malgré des améliorations remarquables au cours des 40 dernières années, ce traitement échoue chez 30 à 40% des enfants et chez plus de la moitié des adultes nouvellement diagnostiqués.
«Avec notre projet FIAMMA, nous visons cette population de patients pédiatriques et adultes souvent négligée dans le domaine de la recherche médicale. Pour ce faire, nous proposons d’évaluer une nouvelle approche immunothérapeutique à base de lymphocytes T qui sont équipés d’un récepteur antigénique chimérique (CAR). Le CAR confère aux lymphocytes T la capacité de directement reconnaître les cellules leucémiques ciblées et de les détruire. Ce traitement novateur a un potentiel curatif», commente la Pre Caroline Arber.
Comment fonctionne l’immunothérapie par lymphocytes CAR-T?
L’immunothérapie par lymphocytes CAR-T consiste à prélever des cellules immunitaires du patient (des lymphocytes T), les manipuler pour leur apprendre à reconnaître efficacement un marqueur présent sur les cellules cancéreuses (en y ajoutant un récepteur CAR spécifique) puis transférer à nouveau ces lymphocytes modifiés (les CAR-T) chez le patient. Ainsi, on introduit dans le système immunitaire de la personne des cellules immunitaires spécialisées dans la reconnaissance et l’éradication des cellules tumorales à l’origine de la leucémie.
Cette spécificité implique cependant que de nouveaux types de CAR-T doivent être développés pour différents types de cancers. Des traitements CAR-T commerciaux ont déjà été introduits au CHUV par le Service d’immuno-oncologie pour les leucémies lymphoblastiques aigues (LLA), certains lymphomes agressifs et le myélome multiple. Toutefois, comme l’explique le Dr Francesco Ceppi, «en Suisse, il n’existe actuellement aucune étude clinique ni de produit commercial à base de cellules CAR-T pour les leucémies myéloïdes aigues, et les études sur le plan international aux États-Unis ou en Chine ne sont qu’en phase précoce. Si nous ne développons pas notre propre étude académique, nous n’aurons donc pas d’approche similaire disponible en Suisse pour le traitement des LMA en rechute à moyen terme».
Des laboratoires aux patients
Les résultats précliniques obtenus jusqu’à maintenant sont prometteurs. Ils montrent en effet que les nouvelles cellules CAR-T développées peuvent reconnaitre et tuer des cellules de leucémie myéloïde aiguë de façon efficace in vitro et in vivo. Les dons reçus par la fondation ISREC permettront de poursuivre cette recherche et de la porter vers la clinique.
La première étape du projet FIAMMA consistera à finaliser les études précliniques dans le laboratoire de recherche de la Pre Arber pour documenter le bon fonctionnement du nouveau produit CAR-T dirigé contre la LMA. La seconde aura pour but d’optimiser le processus de production des lymphocytes CAR-T, en étroite collaboration avec le Centre de Thérapies Expérimentales du Département d’oncologie UNIL-CHUV, qui jouit d’une reconnaissance mondiale et possède toute l’infrastructure nécessaire pour la fabrication de produits CAR-T dans le cadre d’une étude clinique académique. Ensuite, une étape clé visera à développer le protocole de recherche clinique qui sera soumis pour approbation à l’Institut Suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic) et à la Commission cantonale d’éthique de la recherche sur l’être humain (CER-VD).
Lorsque les deux instances donneront leur feu vert, l’essai clinique de phase I pourra débuter au CHUV – idéalement fin 2024 ou début 2025. L'essai sera mené avec 6 adultes et 6 enfants éligibles pour l’étude FIAMMA, recrutés aussi bien en Suisse qu’à l’étranger vu les critères spécifiques et la nature unique du projet. Une fois les traitements administrés, des analyses approfondies seront réalisées pour évaluer l'efficacité de cette nouvelle approche thérapeutique.