La première thérapie génique ophtalmique de Suisse romande vient d’être réalisée à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin de Lausanne. Une première qui confirme les ambitions et volontés de l’établissement dans un domaine médical novateur et source d’espoir pour de nombreuses personnes atteintes dans leur vision.
Dans le cadre d’un essai clinique de phase III, l’équipe du Dr Hoai Viet Tran, médecin à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, épaulée par le Centre d’investigation clinique (CIC), a organisé l’administration sous-rétinienne d’un produit de thérapie génique, le botaretigene sparoparvovec (AAV5-RPGR hRKp). L’injection a été réalisée à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, en avril dernier par le Pr Thomas J. Wolfensberger, professeur ordinaire, directeur médical et chef du service d’ophtalmologie de la Faculté et de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne.
Conçu par MeiraGTx et Janssen Pharmaceutical, ce nouveau produit a été utilisé avec succès pour traiter la forme la plus courante de rétinite pigmentaire liée à des mutations du gène RPGR sur le chromosome X.
Une thérapie innovante
Pour rappel, la thérapie génique peut «réparer» ou modifier un gène défectueux à l’origine d’une maladie en introduisant une version saine du gène au sein même du noyau d’une cellule visée à l’aide d’un vecteur virale. Dans le cadre de l’essai clinique de l’équipe du Dr Hoai Viet Tran, ce sont les photorécepteurs présents sur la rétine, lésés en cas de rétinite pigmentaire, qui ont été ciblés.
Un nouveau traitement disponible cet été
L’hôpital lausannois mise depuis de nombreuses années déjà sur ces thérapies géniques innovantes. Aujourd’hui, les avancées s’accélèrent et se concrétisent. En parallèle de l’essai clinique de phase III pour le AAV5-RPGR hRKp, l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin va ainsi effectuer cet été des injections de Luxturna (voretigène néparvovec), un médicament lui aussi indiqué dans la rétinite pigmentaire.
Ce traitement unique et très attendu est désormais pris en charge par l’assurance maladie et autorisé aux États-Unis depuis deux années. Il constitue le premier traitement disponible pour une pathologie oculaire avec mutation sur un gène de cellules de la rétine. Le Luxturna a démontré une grande efficacité lors des premières phases d’études cliniques, notamment sur l’amélioration de la qualité de vie des personnes traitées. Il pourrait aussi permettre de ralentir le développement de la maladie.
Une certification Swissmedic
L’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin peut proposer ce traitement de pointe à ses patients et patientes grâce à l’accord de Swissmedic. La demande de certification de l’institution est en cours (et en bonne voie). Une fois la certification obtenue, l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin deviendra officiellement le deuxième centre de thérapie génique oculaire de Suisse (le premier étant bâlois) et un centre de référence unique en Suisse romande.
Pour remplir le dossier de demande de certification auprès de SwissMedic, l’hôpital a dû répondre à de nombreuses exigences, parmi lesquelles avoir une expertise médicale pluridisciplinaire unique et compter dans ses rangs des chercheur-euses, des pharmacien-nes (pour la préparation, contraignante et exigeante, des traitements) et des chirurgien-nes hautement spécialisé-es. Du côté des infrastructures, l’établissement doit, entre autres, disposer d’une salle blanche (salle dont la qualité de l’air est strictement contrôlée) et d’une salle d’opération, ainsi que des moyens d’exploration de la rétine de pointe.
Un avenir tourné vers la thérapie génique
L’établissement compte poursuivre ses activités dans ce domaine. L’essai mené par l’équipe du Dr Hoai Viet Tran fait d’ailleurs partie d’une série d’études sur des traitements prometteurs visant à restaurer une fonction visuelle chez les personnes atteintes de dystrophies rétiniennes. Des traitements à fort potentiel qui pourraient même, à l’avenir, démontrer une efficacité sur d’autres maladies oculaires.
L’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin va rassembler ses activités d’oculogénétique et de thérapie génique et cellulaire au sein d’une même unité, preuve de son investissement dans ce domaine médical. «Cette unité unique nous permettra d’entrer dans une nouvelle ère, conclut le Dr Hoai Viet Tran, qui en sera à la tête. Il s’agira là d’une première en Suisse.»
La rétinite pigmentaire en bref
La rétinite pigmentaire provoque une perte de la vision nocturne, un champ visuel rétréci puis des difficultés à distinguer les couleurs. Cette maladie rare (1 personne sur 4000) peut mener à la cécité, généralement vers 30 ans. Les personnes atteintes de rétinite pigmentaire ressentent les premiers symptômes dès leur plus jeune âge.