Olivier Lugon (Section d'histoire et esthétique du cinéma, UNIL) obtient un financement pour son projet libre consacré à l’essor des médias audiovisuels et au précoce « tournant audiovisuel » du design graphique et de l’édition en Suisse.
Projet
Écrans publicitaires dans les rues et les transports publics, présentations PowerPoint dans les entreprises et les universités, publications électroniques ou logos dynamiques pour le web : une grande partie de la communication graphique contemporaine s’est déplacée de la page imprimée vers les écrans, redéfinissant en profondeur le travail des graphistes et des éditeurs. Si cette mutation est généralement associée à l’avènement du numérique, son histoire traverse en réalité tout le XXe siècle et connaît un premier moment de bouillonnement dans les années 1950 à 1970. Loin de signifier la ruine des arts graphiques, l’essor des médias audiovisuels suscite à l’époque une remarquable extension de leur champ d’action. C’est sur l’histoire négligée de ce précoce « tournant audiovisuel » du design graphique et de l’édition que le présent projet de recherche propose de revenir, en se focalisant sur trois supports situés au cœur de ce processus aux temps des médias analogiques : le film fixe, la diapositive et le film.
Imaginé dès le début du XXe siècle, le film fixe, forme courte et éditée du microfilm, connaît un large essor dans les années 1940-1950, où ces brèves séquences d’images fixes et de textes amènent certaines maisons d’édition à imaginer, dans le secteur pédagogique surtout, des publications faites expressément pour l’écran. Dans les années 1960, la diapositive prend progressivement le relais et suscite l’apparition de « livres de lumière » et autres « revues projetées », ainsi que d’une foisonnante production de diaporamas mono- ou multi-écrans, sous le nom d’« audiovision », de « multivision » ou simplement d’« audiovisuels ». Du côté de l’image animée, l’art du générique et du layout animé et sonorisé étend son essor au cinéma comme à la télévision.
Le projet de recherche examine ces développements à travers l’exemple du pays qui plus que tout autre incarne alors l’excellence et la modernité graphique : la Suisse. Si l’histoire du « Swiss style » a fait l’objet de nombreuses recherches et publications ces dernières années, c’est en l’identifiant strictement au support imprimé. Nous en proposerons ici une histoire élargie, ouverte à ses interactions avec les nouveaux médias audiovisuels, afin d’éclairer à travers ce cas une série de phénomènes plus généraux : quel rôle les arts graphiques ont-ils joué dans la définition de ce que l’on commence alors à appeler « l’audiovisuel » et notamment dans l’entrée des médias dans les écoles d’arts appliqués, puisque c’est prioritairement dans les cursus de formation aux métiers du graphisme que se sont imposées les nouvelles filières de communication audiovisuelle ? Comment s’inventèrent de nouvelles formes de la « mise en page » fondée sur le flux, le foisonnement dynamique des images et des mots ? Comment ces formes non imprimées de la communication graphique ont-elles participé à un mouvement de démocratisation de la création typographique, bien avant que la popularisation des logiciels de mise en page et de présentation sur écran n’ouvre les pratiques de la mise en forme graphique à un plus large public ? Comment enfin ont-elles semblé libérer les médias audiovisuels du régime industriel et standardisé de la communication de masse au profit d’une communication de la petite échelle et de la diffusion ciblée ? Fondé sur la valorisation d’objets médiatiques souvent négligés et sur l’exploitation de sources en grande partie inédites, ce projet de recherche entend contribuer à une généalogie de notre propre environnement médiatique et de notre confrontation désormais quotidienne au graphisme pour l’écran.
Direction du projet
Durée du projet