La nouvelle direction de la Section des sciences fondamentales de la FBM a pris ses quartiers le 1er janvier. Jérôme Goudet et Virginie Mansuy-Aubert, respectivement président et vice-présidente, veulent se faire les porte-paroles de la biologie au sein de la Faculté. Entretien.
Le 1er janvier 2023, la Section des sciences fondamentales (SSF) de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’UNIL a changé de tête(s) : Jérôme Goudet, professeur associé au Département d’écologie et évolution (DEE) en a pris la présidence, secondé par Virginie Mansuy-Aubert, professeure associée au Département des sciences biomédicales (DSB). Ils succèdent à Christian Fankhauser et Anita Lüthi, pour un mandat de deux ans.
Jérôme Goudet est un homme du sérail : arrivé à la Faculté en 1993 comme postdoctorant, il a gravi les échelons, comme MER, professeur assistant, avant sa nomination comme professeur associé en 2004. Il connaît bien les rouages de l’institution ; il a notamment été codirecteur du DEE (2003-2010) et membre du Conseil de Faculté : « J’y vois une sorte de suite logique, c’est pour moi le bon moment de m’investir au niveau de la SSF », explique le nouveau président.
Virginie Mansuy-Aubert, vice-présidente de la SSF, est comparativement nouvelle dans l’institution : elle est arrivée à l’UNIL en mars 2022, après dix ans passés à Chicago, à la Loyola University. C’est toutefois son deuxième contact avec Lausanne, puisqu’elle a effectué un postdoctorat au CHUV, entre 2006 et 2009. Elle apporte un œil neuf sur la FBM et sa Section des sciences fondamentales, son expérience de gestion – elle a dirigé la Division des neurosciences à Chicago – ainsi qu’une sensibilité toute américaine sur les questions de diversité et d’égalité : « Je précise que nous n’avons pas de plans, de programmes à ce sujet : les services compétents – notamment la Commission égalité, diversité et inclusion de la FBM – font très bien leur travail. Mais nous avons à cœur d’entretenir, au sein de la SSF, une culture de la transparence, et d’être à l’écoute des gens. »
Des chouettes au microbiote
Cette complémentarité entre président et vice-présidente se retrouve aussi au niveau de la « couleur » scientifique : Jérôme Goudet travaille sur la génomique des populations, et notamment sur les mécanismes de sélection naturelle, développant des modèles statistiques élaborés. Son modèle expérimental actuel est la chouette effraie. Il est également « group leader » au sein du Swiss Institute of Bioinformatics (SIB), ce qui lui donne un point de vue privilégié sur la biologie computationnelle, enjeu central et transversal pour la SSF.
De son côté, Virginie Mansuy-Aubert a un ancrage biomédical assumé : à un niveau fondamental et mécanistique, elle s’intéresse aux impacts de la nutrition sur le système nerveux central, plus spécifiquement aux interactions entre le microbiote et les neurones sensoriels, utilisant pour cela des modèles de souris transgéniques. Elle travaille en parallèle sur les implications translationnelles de ses recherches, l’identification d’éventuelles cibles thérapeutiques, notamment pour les maladies métaboliques – d’où elle tire un lien privilégié avec le CHUV.
« Nous représentons en quelque sorte les deux aspects de la SSF, l’un très fondamental, l’autre tourné vers le biomédical, souligne Jérôme Goudet. Notre section est également divisée géographiquement, entre les trois sites de Dorigny, du Bugnon et d’Epalinges : il était important pour nous d’incarner cette répartition géographique (ndlr : le DEE est situé à Dorigny, le DSB au Bugnon 7), notre rôle est notamment de s’assurer que la communication entre départements SSF fonctionne bien ». Le duo entend aussi entretenir un contact étroit avec les deux départements, le Département d’immunobiologie et le Département d’oncologie fondamentale, basés à Epalinges.
Autre mandat clé de la présidence SSF : faire office de courroie de transmission avec le Décanat de la FBM, afin qu’il soit bien informé des besoins et des éventuels problèmes rencontrés par la Section.
Du pain sur la planche
Virginie Mansuy-Aubert et Jérôme Goudet veulent également réanimer, du moins rendre plus actif, le Conseil de la SSF, instance qui intègre, outre les professeurs, le corps intermédiaire, des représentants du personnel administratif et technique (PAT) et des étudiants. « Nous souhaitons favoriser les échanges : un chercheur de Dorigny n’est pas toujours au courant de ce qu’il se passe à Epalinges, et vice-versa, relève Jérôme Goudet. Nous voulons également mettre en lumière les plateformes technologiques facultaires : beaucoup ignorent la palette complète des services qu’elles proposent.»
« La recherche contemporaine est multidisciplinaire par définition, renchérit Virginie Mansuy-Aubert. Il y a encore 20 ans, on avait tendance à travailler en « silos », on séparait les gens qui faisaient de l’immunologie, du cancer, etc. Or il y a toujours une complémentarité. Pour prendre mon exemple personnel : je travaille sur le microbiote, mais je ne suis pas pour autant microbiologiste ; nous avons besoin de ces échanges, de ces collaborations, de ces différentes approches. »
La feuille de route de la nouvelle direction SSF est encore un work in progress : « On commence seulement ! Notre objectif immédiat, c’est de prendre connaissance des dossiers », tempère Jérôme Goudet. Pour autant, quelques thèmes importants, dans les mois et les années à venir, sont déjà identifiés : la microscopie électronique, à travers le Centre d’imagerie Dubochet (DCI). « Cela représente un gros investissement de l’UNIL, alors qu’il est paradoxalement encore assez peu utilisé à l’interne. Il y a une réflexion à avoir à ce propos. » Un groupe de travail a d’ailleurs déjà été créé.
Données et expérimentation animale
L’autre grand enjeu, rampant, ce sont les data science : comment stocker les pétabytes de données créées par les « omiques », tout en sachant que le FNS conditionne son financement au fait que ces données soient publiques, accessibles, avec toutes les implications certes techniques, mais aussi juridiques que cela suppose ? Là aussi, un groupe de travail se met en place, impliquant aussi le CHUV.
« L’expérimentation animale, l’accent sur les 3R (« Replace, Reduce, Refine »), l’organisation de la recherche, les protocoles animaux, restent un sujet majeur, avec les enjeux politiques, les attentes du public en arrière-plan », ajoute Virginie Mansuy-Aubert.
Jérôme Goudet se veut rassurant : « On ne veut pas révolutionner les choses. La FBM a 20 ans en 2023, et elle reste un cas assez unique dans le paysage mondial : réunir sous le même toit biologie, médecine, santé publique (avec Unisanté) et sciences infirmières (avec l’IUFRS). La SSF est peut-être le Petit Poucet dans cette belle histoire, on veut donc s’assurer que notre voix soit entendue au sein de la Faculté. Plus globalement, on sait que les départements de recherche sont plus productifs si leur atmosphère est bienveillante. On le sait aussi, la science est un milieu très compétitif, dur : on veut collaborer pour faire avancer les choses, et autant que possible faire sortir le côté positif des gens. »