L'équipe de la professeure Claudia Bagni, au Département des neurosciences fondamentales de l'UNIL, a identifié un mécanisme contribuant aux déficits de sommeil. Cette découverte, publiée le 20 février 2023 dans la revue «Nature Communications», pourrait permettre d’explorer de nouvelles pistes de traitements.
Le sommeil, qui joue un rôle essentiel dans le développement du cerveau et de la cognition, est fréquemment perturbé chez les personnes souffrant de troubles du neurodéveloppement. Par exemple, jusqu’à 85% des enfants atteints de troubles du spectre de l’autisme (TSA) présenteraient des problèmes de sommeil. En outre, ceux-ci exacerbent souvent l’agressivité, l’impulsivité, les comportements répétitifs, l’hyperactivité, l’anxiété et la dépression, ce qui affecte la qualité de vie des jeunes et de leur famille.
Depuis plus d'un siècle, les scientifiques utilisent la mouche du vinaigre (Drosophila melanogaster) comme organisme modèle pour expliquer les processus biologiques fondamentaux. Dans l'article publié le 20 février 2023 dans Nature Communications, l’équipe du Département des neurosciences fondamentales (DNF) de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, utilisant les petites mouches, a identifié un mécanisme moléculaire qui régule l'homéostasie du sommeil. «Nous décrivons pour la première fois comment une altération de l'activité de deux régulateurs métaboliques clés, à savoir la protéine SREBP (sterol regulatory element binding protein) et l'enzyme malique, contribue aux déficits de sommeil», explique la DreSc. Vittoria Mariano, première auteure de l’étude et postdoctorante au DNF.
Le mécanisme moléculaire en détail
Pour leurs recherches, les scientifiques se sont servis de mouches présentant une mutation dans le gène Cyfip qui, chez l'Homme, augmente le risque de schizophrénie et d'autisme, deux pathologies caractérisées par des déficits du sommeil. À l’image de leurs homologues humains, les drosophiles étudiées peinent à s’endormir et dorment moins la nuit, présentant un comportement semblable à l’insomnie. L’équipe a en effet montré que les niveaux de nicotinamide adénine dinucléotide phosphate (NADP+/NADPH), une molécule modulant de nombreux événements biologiques comme le métabolisme cellulaire et l’activité neuronale, sont affectés dans le cerveau des mouches mutantes au moment de s’endormir. Plus précisément, certains gènes généralement exprimés durant l’éveil – et qui devraient donc être réduits au silence la nuit – demeurent actifs. Ce dérèglement est dû à l’activité accrue de la protéine SREBP (un régulateur du NADP+/NADPH) et de l’une de ses cibles moléculaires, l’enzyme malique. L’étude indique qu’en diminuant les niveaux de SREBP, par une approche génétique et pharmacologique, les mouches porteuses d’une mutation sur le gène Cyfip recouvrent leur capacité à dormir normalement.
Une piste pour de potentielles approches thérapeutiques
«Ces résultats pourraient avoir une incidence sur la santé humaine car, chez l'Homme, le gène SREBF1 est associé à un sommeil insuffisant chronique et, par extension, à un risque accru de schizophrénie et d'autisme. En outre, des altérations des niveaux de NADP+/NADPH sont observées chez les enfants atteints de TSA, commente la directrice des travaux, la professeure Claudia Bagni. Il est tentant d'émettre l'hypothèse que le mécanisme découvert chez les mouches pourrait être conservé chez les mammifères et contribuer à un large éventail de troubles neurodéveloppementaux et neuropsychiatriques.» Les biologistes de l’UNIL envisagent de poursuivre leurs recherches pour valider ce mécanisme dans le système mammalien et chez l’humain.