Manon Nicole mène cette recherche doctorale en droit au sein de l’Ecole de droit de la FDCA de l'Université de Lausanne.
Dans sa recherche doctorale, Manon Nicole s’intéresse au pacte successoral de renonciation, qui est un acte que le futur défunt (de cujus) conclut avec un ou plusieurs de ses héritières ou héritiers par lequel ils renoncent à leurs droits successoraux, souvent en échange d’une prestation. Le pacte de renonciation permet de supprimer la réserve héréditaire (part minimale due à certains proches héritiers), ce que le de cujus ne peut pas faire par testament.
Cependant, il peut arriver que la partie renonçante s’aperçoive après la conclusion du pacte, qu’elle a renoncé à une succession d’une valeur beaucoup plus élevée que ce qu’elle avait compris initialement, de sorte que la prestation reçue en échange de la renonciation apparaît dérisoire. La question à la base de la recherche de Manon Nicole est de déterminer, dans ce genre de cas de figure, quelles sont les voies qui s’offrent à la partie renonçante pour remettre en question cet accord. Elle se demande en particulier si le pacte successoral de renonciation peut être annulé pour vice de la volonté, pour lésion, ou en raison du caractère excessif de l’engagement.
Dans le domaine de recherche de Manon Nicole, beaucoup de questions importantes n’ont pas été tranchées par le Tribunal fédéral. Par conséquent, elle s’est appuyée sur la doctrine comme source principale. Cependant, les solutions proposées par les auteurs sont très variées, et elle a dû veiller à les analyser de manière critique, afin d’adopter un point de vue qui reste cohérent à toutes les étapes du raisonnement.
Avant d’aborder la question de l’annulation du pacte successoral de renonciation, Manon Nicole a tout d’abord commencé par déterminer la nature juridique du pacte successoral, controversée en doctrine. Après avoir analysé les différents avis, elle parvient à la conclusion que le pacte successoral est un contrat qui, lorsqu’il prévoit une prestation en échange de la renonciation, peut être qualifié de contrat synallagmatique.
A partir de cette conclusion, Manon Nicole s’est demandé si les dispositions légales applicables aux contrats en matière de vices de la volonté, de lésion ou d’engagement excessif sont aussi applicables au pacte successoral de renonciation. Elle a examiné le système prévu par le Code des obligations et a vérifié s’il peut être transposé au pacte successoral de renonciation, compte tenu des particularités qui le distinguent des autres contrats.
La particularité du pacte successoral de renonciation, par rapport aux autres contrats, est son caractère aléatoire. Cela signifie que le rapport entre la valeur de l’expectative successorale à laquelle la partie renonçante a renoncé et la prestation qu’elle a reçue en échange est susceptible de varier considérablement entre le moment de la conclusion et le moment où l’acte déploie ses effets, soit le décès du de cujus.
Dans la mesure où le pacte de renonciation est conclu entre des personnes issues d’une même famille, l’équivalence objective entre les prestations peut laisser place à une « équivalence de gratitude » qui échappe à une analyse purement économique. Le pacte de renonciation peut être annulé pour erreur de déclaration, erreur de base, dol et crainte fondée aux mêmes conditions que les autres contrats. L’admission de l’erreur sur les faits futurs quant à elle doit être plus restrictive que pour les autres contrats, afin de tenir compte du caractère aléatoire du pacte successoral de renonciation. La lésion est applicable au pacte successoral de renonciation lorsque l’acte prévoit une prestation en échange de la renonciation. Cependant, en matière de pacte successoral de renonciation, le critère de disproportion entre les prestations est moins déterminant, car il est fréquent que l’équivalence objective entre les prestations ne soit pas réalisée, déjà au moment de la conclusion. Le critère subjectif de l’exploitation de la situation de faiblesse a donc une importance déterminante. Un pacte de renonciation ne peut en revanche pas être constitutif d’un engagement excessif pour la partie renonçante, puisqu’elle renonce à une simple expectative, soit un droit qu’elle n’a pas encore acquis.
Toutes ces conclusions permettent à Manon Nicole de formuler les exemples suivants :
L’erreur sur les faits futurs portant sur l’évolution du patrimoine peut être admise, à condition que le renonçant ait objectivement pu considérer comme certain le fait que le patrimoine n’évoluerait pas aussi favorablement, par exemple lors d’un gain à la loterie ou d’un placement en bourse exceptionnellement favorable.
La lésion peut par exemple être retenue si un parent profite de la détresse de son enfant en grande difficulté financière pour le pousser à conclure un pacte successoral abdicatif contre une somme d’argent très faible en comparaison de sa future réserve héréditaire.
Manon Nicole conduit cette recherche doctorale sous la direction du professeur Denis Piotet. La soutenance est prévue pour le semestre de printemps 2023.