Un groupe international de scientifiques, composé de 96 chercheuses et chercheurs issu·e·s de 21 pays, a réfléchi à l’élaboration d’une feuille de route visant à accélérer l'étude de la microglie et à élucider son rôle dans de nombreuses maladies du cerveau. Rosa Chiara Paolicelli, professeure assistante au Département des sciences biomédicales de l’UNIL, est co-première auteure de l’article publié à ce sujet dans l’édition du 2 novembre 2022 de la revue « Neuron ».
La microglie est formée d’un ensemble de cellules dites gliales. De petite taille, celles-ci sont dispersées dans le système nerveux central (cerveau, moelle épinière et rétine), où elles constituent notamment la principale défense immunitaire. Au cours de cette dernière décennie, la recherche sur la microglie a passablement évolué, révélant des fonctions nouvelles et jusqu'alors insoupçonnées de cette population cellulaire dans la physiologie et la pathologie du cerveau.
À la fois essentielle et source de maladies
Bien que la microglie soit étroitement liée aux macrophages du système immunitaire périphérique et qu'elle défende le cerveau contre les agents pathogènes, elle assume également des tâches spécifiques au cerveau, essentielles pour la connexion synaptique, la plasticité et certaines fonctions cognitives comme l'apprentissage et la mémoire. La microglie peut toutefois aussi jouer un rôle néfaste, lorsqu’elle engendre une (neuro)inflammation ou une perte des synapses. Elle est ainsi impliquée dans de nombreuses pathologies cérébrales, notamment la maladie d'Alzheimer, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et la sclérose en plaques.
Une idée dualiste entre bonne et mauvaise microglie
Alors que la microglie se retrouve de plus en plus au centre de la recherche tant fondamentale que clinique dans les milieux universitaires et industriels, son rôle précis fait débat. « Les experts ne sont pas toujours d'accord sur ce qui définit exactement la microglie et sur la nomenclature à utiliser pour nommer la multitude d'états dans lesquels elle se manifeste », commente Rosa Chiara Paolicelli, professeure assistante au Département des sciences biomédicales de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL. « Actuellement, la nomenclature véhicule une idée dualiste de la bonne et de la mauvaise microglie, ce qui peut entraver le progrès scientifique. »
Outre la problématique d’une nomenclature standardisée, la question de la compréhension du rôle de ces cellules ‘caméléons’ dans un contexte donné demeure centrale.
Afin d’apporter des éléments de réponse à ces différents questionnements, des scientifiques de Suisse, d’Espagne (Amanda Sierra, Achucarro Basque Center for Neuroscience), des Etats-Unis (Beth Stevens, Boston Children's Hospital and Broad Institute) et du Canada (Marie-Ève Tremblay, University of Victoria) ont joint leurs compétences pour établir une feuille de route. En l’espace de deux ans, ils ont recruté des chercheuses et chercheurs juniors et seniors dans le domaine de la microglie, issu·e·s de différents milieux allant du monde académique à l’industrie, pour discuter de l'état de l'art de la recherche sur la microglie. Dans un article publié le 2 novembre dernier dans la revue Neuron, les auteurs préconisent la création d'un panel/comité international d'expertes et d’experts chargé·e·s de superviser les lignes directrices et d'établir une feuille de route spécifique. « L’objectif est de développer des descripteurs plus précis des états microgliaux complexes, afin de pouvoir finalement répondre à la question de savoir quelles sont les fonctions spécifiques de la microglie dans le cerveau humain sain et malade », résume Rosa Chiara Paolicelli, co-première auteure de l’étude.