Michael Perret, doctorant à l’Institut des sciences sociales (Thema-ISS), est récompensé pour la réussite, la créativité et l’implication de sa thèse intitulée "Expériences d'un problème public : de l'interdiction des jeux vidéo violents à la réglementation des contenus".
Titre : Expériences d'un problème public : de l'interdiction des jeux vidéo violents à la réglementation des contenus
Laudatio
Pour avoir réalisé un agencement, une mise en perspective et un perfectionnement très réussi des trois articles composant sa thèse, en produisant ainsi un manuscrit complet et très original dont la portée et la valeur scientifique sont bien supérieures à celles des articles qui la composent.
Résumé
Faut-il considérer que les jeux vidéo violents sont « tout aussi malsains que la pornographie enfantine », comme le suggère un parlementaire suisse ? Ou manifester sa désapprobation à leur encontre, comme le fait un présentateur TV : « les jeux violents provoquent l’addiction, l’agressivité et une diminution de l’empathie, une sorte d’indifférence à l’horreur » ? La recherche conduite dans ce travail prend pour objet l’expérience des jeux vidéo violents en Suisse, entre les années 1990 et aujourd’hui. Elle examine les différents rapports possibles à la pratique de tels jeux à l’aide des outils épistémologiques et méthodologiques de la sociologie pragmatiste. Premièrement, l’analyse se base sur des textes politico-parlementaires, qui se saisissent de cette pratique jugée problématique pour en proposer une régulation. Deuxièmement, le travail analyse comment des textes médiatiques proposent une mise en forme et une mise en sens de la « problématicité » de la pratique des jeux vidéo violents. Troisièmement, la thèse décrit différentes strates de la performance vidéoludique et scénique d’une joueuse suisse romande qui diffuse ses parties de jeu vidéo (violent) sur une plateforme de streaming. La description de ses activités permet de saisir le fragile compagnonnage qui s’installe entre la streameuse et son public, ainsi que le travail de face effectué pour maintenir le caractère ludique de la situation. En spécifiant chacune de ces expériences, la thèse met au jour la large palette des différentes positions possibles de « spectateur » que les pratiques du jeu vidéo violent instituent. Il en ressort que dans les trois cas de figure, la violence constitue une préoccupation. Dans les trois cas de figure, des spectateurs s’alarment de la violence des pratiques vidéoludiques et s’interrogent sur ce qu’il convient de faire. L’analyse empirique indique que ces inquiétudes et ces interrogations peinent toutefois à donner forme à un public politique, prêt à se mobiliser pour réguler le problème. In fine, le travail permet de saisir comment la société suisse s’« expérience » : ni l’expérience collective de problèmes, ni les interrogations qui leurs sont liées, ne garantissent la mise en place d’actions politiques fortes.