Lauréat d'un prix de Faculté pour l'excellence de sa thèse intitulée: Faire carrière dans le powerchair hockey : Formation et transformation des parcours de vie de personnes ayant des in/capacités physiques “sévères”
Laudatio: Pour son choix d’un terrain encore inexploré et l’originalité du questionnement élaboré. Pour sa remarquable capacité à affronter des questions de recherche ambitieuses et fondamentales, et à mobiliser une bibliographie très riche et diversifiée à bon escient, à partir des questions issues du terrain. Pour sa sensibilité ethnographique couplée à une grande rigueur analytique.
Faire carrière dans le powerchair hockey : Formation et transformation des parcours de vie de personnes ayant des in/capacités physiques « sévères »
Cette thèse de doctorat s’intéresse aux usages des pratiques sportives dans les vies des personnes ayant des déficiences et in/capacités physiques « sévères ». Plus précisément, j’analyse les expériences que font ces personnes dans le cadre du powerchair hockey (unihockey en fauteuil électrique) afin de comprendre comment l’engagement dans une pratique sportive forme et transforme leurs parcours de vie. L’enquête s’appuie sur une ethnographie multisituée du powerchair hockey en Suisse francophone et germanophone. Différents outils ont été mobilisés pour le recueil des données ; observations participantes – entretiens de type « récit de vie » – entretiens par photo-elicitation – recherche et consultation d’archives.
Les résultats montrent que le powerchair hockey est le seul sport collectif structuré à l’échelle nationale qui est accessible aux utilisateur·trices de fauteuil électrique. Une majorité des joueur·euses vivent avec une maladie neuromusculaire évolutive. Le powerchair hockey est un espace social qui se situe à l’intersection de deux mondes sociaux dont il conjugue les idiomes de participation : « le monde des valides » et « le monde du handicap ». Cet espace permet ainsi aux insiders et outsiders respectif·ves de ces deux mondes de se rencontrer et de faire communauté. Faire carrière dans un sport collectif en fauteuil électrique forme et transforme les parcours de vie des personnes ayant des déficiences et in/capacités physiques « sévères » en produisant les conditions pour : (1) une circulation facilitée entre le « monde des valides » et le « monde du handicap » ; (2) une socialisation de conversion vers « l’handi-capabilité » ; (3) l’incorporation d’une disposition à la mobilité ; (4) la diversification des sphères de vie et des réseaux d’interdépendances ; (5) une inscription dans une histoire collective par la transmission d’un héritage aux plus jeunes de leurs pair·es.
Ainsi, faire carrière dans un sport collectif en fauteuil électrique apparait comme une bifurcation par rapport au parcours de vie initialement prévu par les médecins et l’Assurance invalidité : une sortie des rôles sociaux de « malade » ou d’« invalide » auxquels ils·elles sont assigné·es, pour une revendication de l’identité sportive. L’engagement sportif se révèle donc comme une modalité d’émancipation à l’égard de scripts sociaux surdéterminés par la gestion institutionnelle qui est faite des destins biologiques des personnes qui vivent avec des déficiences et in/capacités physiques dites « sévères ».