Plusieurs étudiant·e·s de sciences sociales ont pu mener des expériences de terrain au Brésil et à Bangalore, dans le cadre du cours « Grand Enjeux Sociaux Contemporains ».
Dans le cadre du cursus de Bachelor en sciences sociales, les enseignants André Berchtold, Francesco Panese et Laetitia Della Bianca proposent depuis 2020 un enseignement qui porte sur de grands enjeux sociaux contemporains (comme par exemple la crise sanitaire et économique découlant de la pandémie de covid-19, la crise environnementale liée au réchauffement climatique ou encore la montée de mouvements nationalistes d'extrême droite) pour ensuite inviter les étudiant·e·s à documenter une situation sociale spécifique et imaginer une innovation sociale pouvant potentiellement contribuer à l’améliorer.
Les étudiant·e·s se sont d’abord familiarisés avec la notion d’enquête (enquiry), en acquérant des compétences méthodologiques spécifiques telles que la documentation, la réflexion collaborative, la réalisation du travail et la communication des résultats, via notamment l’élaboration de posters. Par ces démarches, les étudiant·e·s ont pu mettre en pratique sur le terrain les compétences acquises durant le semestre.
Au cours du dernier semestre de printemps, parmi les trente-sept groupes d’étudiant·e·s, quatre ont choisi de mener des recherches sur la thématique des violences genrées et de l’éducation sexuelle, et sur celle des défis liés à la gestion de l’eau potable. Grâce à un programme d’échange du Département de l'enseignement et de la formation professionnelle (ex-DFJC), les étudiant·e·s ont pu poursuivre leurs enquêtes sur des terrains lointains.
Sur le terrain au Brésil…
Cette année, les étudiant·e·s intéress·é·e·s par la thématique des violences genrées ont pu bénéficier d’une immersion sur le terrain organisée grâce à l’appui du Swissnex du Brésil, l’une des antennes du réseau mondial suisse mettant en avant l’éducation, la recherche et l’innovation.
Joana Thevenet (étudiante en Master de psychologie), qui a accompagné ces étudiant·e·s en août dernier, revient sur les retombées positives d’une telle démarche.
Vous avez pu échanger avec des actrices et acteurs sur le terrain (associations, fondation, municipalité de Rio de Janeiro). Qu’en est-il ressorti ?
Pour ma part, ce voyage a été une réelle opportunité pour élargir ma vision et ma façon de faire de l’éducation sexuelle. Étant moi-même intervenante en santé sexuelle dans le post-obligatoire grâce au programme Georgette In Love de PROFA, j’ai pu profiter de ce voyage pour en savoir plus concernant la façon de faire de l’éduction sexuelle au Brésil et la manière dont sont accueillies les femmes victimes de violences. D’après les discussions que j’ai eu avec les étudiant·e·s, cela a aussi été pour elleux l’occasion de faire de nombreux apprentissages. Qu’il s’agisse de l’histoire nationale du Brésil, de la culture carioca, de compétences communicationnelles ou de connaissances résultant de nos rencontres, le programme développé par Swissnex Rio nous a permis de découvrir et d’apprendre de nouvelles choses chaque jour. Pour ne citer qu’une des nombreuses expériences que nous avons vécue à Rio, nous avons particulièrement été touché par notre visite à la Casa da Mulher Carioca Tia Doca – un lieu tenu uniquement par des femmes qui dispensent des cours à des femmes victimes de violences afin qu’elles puissent devenir indépendantes et quitter le foyer violent. La bienveillance des personnes que nous avons rencontrées, leur accueil et leurs combats nous ont beaucoup touché et permis d’avoir une réflexion plus pratique et globale.
Les 11 étudiant·e·s parti·e·s avec vous à Rio ont partagé leur expérience dans un journal de bord. Comment résumeriez-vous en quelques mots leur ressenti de cette expérience ?
L’une des phrases que j’ai le plus entendu de la part des étudiant·e·s durant ce voyage était « c’est vraiment incroyable ! ». Chaque jour, nous célébrions la chance d’avoir pu partir découvrir Rio et l’expérience inédite que nous étions en train de vivre. Je pense aussi qu’il s’agissait d’une opportunité pour chacun·e de découvrir le côté pratique que peut aussi revêtir leurs études qui mettent habituellement l’accent sur un versant théorique.
…et en Inde
Francesco Panese est quant à lui parti avec un groupe d’étudiant·e·s en Inde, à Bangalore, surnommée « La Silicone Valley de l'Inde », dont le fort développement technologique et démographique a des conséquences sur l’approvisionnement en eau et sur la gestion des déchets et eaux usées.
Francesco Panese, pourquoi cette destination ?
Cette destination a été choisie par les étudiant·e·s qui souhaitaient consacrer leur projet au grand enjeu que représente les ressources et l’approvisionnement en eau, un souhait qui a pris le chemin de Bangalore au moment où l’éventuelle possibilité d’un travail de terrain là-bas est apparue. Les étudiant·e·s y ont alors très vite repéré le développement de nombreuses solutions originales portées par des fondations et des communautés pour tenter de pallier ce problème devenu systémique dans la région. En effet, les industries et la démographie ont explosé dans cette ville en pleine croissance ; l’urbanisation galopante a engendré l’assèchement de nombreux lacs du réseau qu’ils constituaient –qui tire toujours son eau d'une seule source, le fleuve Cauvery, et ceci a conduit des populations à avoir du mal à obtenir de l'eau courante. Les étudiant·e·s ont alors forgé le projet d’aller apprendre là-bas comment on y affrontait ce défi qui nous concerne aussi. Nous avons ainsi rencontré des dizaines d’acteur·trice·s engagé·e·s, de la récupération des eaux de pluie à l’assainissement de lacs et des canaux urbains, en passant par d’anciennes techniques de creusement de puits remis à l’honneur ou encore le développement de fermes agricoles écologiques avec des modes de gestion de ressources intégrées, en particulier en ce qui concerne la chaîne de l’eau.
Qu’avez-vous dû mettre en place afin de pouvoir partir ?
En amont, il s’est agi de pouvoir entrer dans le Programme d’échange de l’ex-DFJC en lien avec le réseau Swissnex bénéficiant jusqu’ici surtout aux HES. La clé du projet a ensuite été le partenariat. Grâce au réseau sur place de l’antenne Swissnex de Bangalore, on a pu très vite identifier des personnes-clés engagées sur le thème avec qui les étudiant·es ont d’abord pu échanger par zoom pour mieux comprendre la situation là-bas. Cette liste de partenaires s’est progressivement rallongée et diversifiée. Et grâce à Lena Robra (Head of Academic engagement) et son collaborateur Tejas Ramesh, une grande part de ces contacts ont pu se concrétiser dans un programme très dense de rencontres et d’excursions pour les 15 jours de terrain. Nous l’avons fait au fil de rencontres zoom durant les mois de juin et juillet alors que le semestre était déjà terminé.
Quels en sont les résultats majeurs ?
Comme nous étions dans un cadre pédagogique – même si après le cours –, je crois que le principal résultat ce sont les acquis de l’expérience de terrain des étudiant·e·s, et la mienne aussi, sur le plan des connaissances acquises, des compétences mises à l’épreuve et des émotions ressenties. Nous avons pu observer de près un dispositif d’innovation sociale et technique riches et bien rôdé, à la faveur notamment de financements prélevés sur les bénéfices des grandes entreprises qui y deviennent souvent de réels partenaires des projets. Les étudiant·e·s ont également pu développer leurs compétences relationnelles, des simples relations sociales à l’enquête de terrain. Et des amitiés se sont nouées ! Dans la mesure de nos moyens, nous avons également tenté d’être utiles aux personnes et institutions qui nous ont ouvert leurs portes : chaque fois que cela était possible et pertinent, nous les avons mises en contact avec des acteurs helvétiques pour nouer de nouvelles collaborations. L’engagement des personnes rencontrées et l’envergure de leurs projets nous a aussi permis de prendre la mesure d’un horizon idéal dont nous pourrions nous inspirer ici. Et sur un plan plus pratique, nous espérons pouvoir mettre en forme une grande partie de la documentation rassemblée et de pouvoir la rendre à nos hôtes sous une forme pertinente pour leur usage, notamment le fruit du travail vidéo des étudiant·e·s.
En conclusion, une expérience à renouveler l’année prochaine ?
Nous espérons bien sûr que cet outil d’échange si précieux du désormais Département de l'enseignement et de la formation professionnelle (DEF) perdurera dans le temps et permettra à de nouvelles volées de vivre pareille expérience. Et cette première nous fait aussi réfléchir à l’évolution de nos formations dans le domaine de l’innovation sociale. Notre Université s’y engage, notamment par le biais du projet UCreate, et nous espérons bien que notre Faculté participera activement à ce développement en tirant profit de l’incroyable potentiel que représente le réseau Swissnex, sans compter de nombreuses autres collaborations internationales. Alors oui, sans conteste, une expérience à renouveler l’année prochaine ou en tous les cas au plus vite !