David Philippy a soutenu ce printemps sa thèse de doctorat : « Le monde derrière la courbe de la demande » : une histoire de l’économie de la consommation aux États-Unis (1885-1934). Coup de projecteur.
Comment en êtes-vous venu à réaliser une thèse de doctorat ?
Pendant mes études à l’Université Lyon 2 en France, j’ai rapidement été fasciné par l’histoire de la pensée économique. Assez tôt, j’ai eu le désir de réaliser une thèse de doctorat afin de creuser cette discipline qui me passionne. À la fin de mon MA, une professeure m’a indiqué qu’un poste était mis au concours au Centre Walras Pareto (CWP) de l’UNIL dont je connaissais bien la réputation. J’ai postulé et été engagé.
Comment en êtes-vous venu à étudier ce sujet ?
J’étais intéressé à étudier la rationalité des comportements de consommation avec une focale sur les États-Unis. Très vite, mes intérêts intellectuels m’ont amené à choisir comme sujet, l’histoire de l’économie de la consommation. Il s’agit d’un champ de recherche qui émerge dans les années 1920 aux États-Unis. Je voulais comprendre en faisant la généalogie de la discipline comment est-ce qu’il est apparu et ce qu’il signifie plus largement pour l’histoire. Je me suis aperçu qu’un groupe de femmes dans les années 1920 considéraient que les économistes ne s’intéressaient ni à la consommation ni même à la rationalité des choix. Ces dernières ont choisi de s’y intéresser. L’objectif de ma thèse était de raconter l’histoire qui traverse les femmes, le consumérisme et l’histoire des États-Unis en général. Je ne m’attendais pas en arrivant à Lausanne à écrire une histoire des femmes économistes. Je me suis rendu compte à quel point la question du genre était au cœur de l’histoire de la discipline. Les économistes hommes à la fin du XIXe s’intéressaient à la production, et là il y avait des femmes qui s’intéressent à la pratique du foyer, à la consommation, à l’émergence du consumérisme moderne sans pour autant qu’il n’y ait de théorie de la consommation.
Quel est l’apport scientifique de votre thèse ?
Ma thèse apporte deux choses : d’une part, la consommation n’est pas étudiée en histoire de la pensée économique. Il n’y a pas un ouvrage sur la consommation dans l’histoire de la pensée économique. Donc c’est déjà un premier apport crucial pour comprendre ce que cela signifie car c’est à la fois un oubli de la discipline et plus largement par ricochet, de l’histoire. D’autre part, l’apport le plus significatif pour le champ est de relier l’histoire des femmes à l’histoire de la consommation. Mon point de vue est de dire qu’on ne peut pas comprendre l’histoire de la consommation en histoire de la pensée économique sans parler des femmes aux États-Unis. À cette époque-là, il n’y a qu’elles qui en parlent. Le but de cette thèse est de montrer qu’il y a un lien intime et très fort entre le genre de la personne qui étudie, et ce que cela implique sur le questionnement de l’objet. J’ai donc lié production théorique et genre, ainsi que production théorique et transformation matérielle de la société. Aujourd’hui ce qui m’intéresse est de comprendre l’étude de la consommation en tant que pratique sociale. La consommation n’est pas juste un objet. La consommation est une production d’identité. Quand on consomme des biens, on produit des identités. Mon ambition à travers cette thèse était aussi de tendre une main vers ces disciplines sœurs de l’économie pour qu’on donne du sens à l’activité de consommation.
Pour conclure, quelle a été votre expérience de thèse ?
J’étais tellement heureux d’être dans ce laboratoire de recherche. Le CWP est un environnement incroyable qui est très unifié. C’est une ambiance de recherche riche dans laquelle on dialogue. C’est un vrai laboratoire de recherche en ébullition qui offre une ambiance de recherche propice au questionnement.