Fiona Friedli a soutenu sa thèse de doctorat : « Régulation des relations familiales et reproduction de l’ordre de genre. Des transformations du droit à la justice en action ». Coup de projecteur.
Comment en êtes-vous venue à réaliser une thèse de doctorat en science politique ?
Assez tôt dans mon parcours universitaire, j’ai nourri un grand intérêt pour la recherche. Dans le cadre de mes études en sciences sociales et politiques j’ai développé un intérêt très fort pour l’interdisciplinarité et pour la sociologie du droit. J’ai réalisé deux masters, l’un à l’EHESS à Paris et l’autre à l’Université de Lausanne. Lors de ces deux masters, je me suis également intéressée à la question des régulations de cette institution particulière qu’est la famille, une institution dont les définitions et les transformations traduisent des conceptions politiques. Mon premier mémoire a porté sur les mobilisations de familles monoparentales en France, le second sur le militantisme paternel en Suisse. Dans le cadre de ma thèse, j’ai souhaité continuer à analyser cette institution au prisme du droit et de la justice.
De quoi s’agit-il ?
Le début de ma thèse a coïncidé avec l’introduction en Suisse d’importantes réformes liées à la responsabilité parentale en cas de rupture conjugale. Ces réformes, entrées en vigueur en 2014 et 2017, ont posé les jalons d’une nouvelle régulation des relations post-conjugales désormais « aveugle au genre ». Je me suis alors posé deux questions : d’où proviennent ces nouvelles règles ? Quelle est leur portée sociale ? Cela m’a conduit à enquêter sur les liens entre régulation des relations familiales et ordonnancement du genre.
J’ai développé une méthodologie qui m’a permis d’étudier à la fois la fabrique de ce domaine particulier du droit privé qu’est le droit de la famille, ainsi que les modalités de son application par les institutions judiciaires, en combinant plusieurs méthodes d’enquêtes (archives, entretiens, observations d’audiences, statistiques à partir de dossiers judiciaires). Mon objectif était d’étudier par la sociologie du droit la question de co-production du droit et du genre.
Quels ont été les apports de votre thèse ?
Le premier apport de ma thèse est d’analyser dans une perspective politique le droit suisse de la famille entre 1907 et 2017. J’ai montré comment est-ce qu’il était un enjeu de luttes politiques. Le second apport à trait à l’enquête par observation que j’ai menée au sein de différentes autorités et offices judiciaires : de la première instance au Tribunal fédéral.Cela m’a permis de mettre en évidence la place, le rôle et les effets du droit de la famille et des institutions judiciaires dans la régulation des relations familiales. Enfin, l’aspect original de ma thèse consiste en ce que ce domaine du droit a été analysé par une enquête de grande ampleur entre différents niveaux juridiques et en accédant à des huis-clos, des lieux où aucun.e chercheur·se n’avait pu accéder.
Quel a été votre expérience de thèse ?
Durant ma thèse j’ai eu la chance de pouvoir nouer des échanges passionnants avec des juristes. Je me suis insérée dans le mouvement Law&Society, notamment aux États-Unis, grâce à un séjour de recherche mené dans la région de Chicago. Être témoin de la vivacité des échanges interdisciplinaires entre droit et sciences sociales m’a donné envie de participer à la construction d’un espace de dialogue similaire en Suisse. Avec plusieurs collègues, nous travaillons depuis quelques temps à mettre en place le Réseau Suisse Droit & Société. Une conférence inaugurale aura d’ailleurs lieu à l’Université de Lausanne le 15 et 16 septembre prochain. J’encourage toute personne qui étudie empiriquement le droit ou qui s’intéresse aux liens entre droit et société à visiter notre site web www.lawandsociety.ch