Notre Faculté est profondément endeuillée par le décès d’Ilario Rossi (1959 – 2022), professeur d’anthropologie à l’Institut des Sciences Sociales (ISS), qui s’est éteint le 16 juin 2022.
Né au Tessin en 1959, Ilario Rossi a d’abord étudié l’anthropologie au Mexique et à l’Université de Neuchâtel, où il a obtenu en 1987 une licence en lettres avec l’ethnologie pour branche principale. Il a ensuite occupé différents postes de chargé de recherche, que ce soit auprès de l’Office cantonal tessinois des musées à Bellinzona ou du Musée des cultures extra-européennes de Lugano, établissement dans lequel il a également été assistant de direction.
Au bénéfice d’une bourse de jeune chercheur FNS, Ilario Rossi a ensuite poursuivi son parcours de formation à l’Universidad Nacional Autonoma de Mexico, puis à l’UNIL, avec l’obtention en 1997 d’un doctorat en sociologie et anthropologie au sein de notre Faculté sous la direction du professeur Mondher Kilani. Publiée chez Armand Colin sous le titre « Corps et chamanisme. Essai sur le pluralisme médical », sa thèse, pour laquelle il a reçu un prix d’excellence de notre Faculté, est consacrée à la question du chamanisme tel qu’il est pratiqué au sein de l’ethnie Huichol (Sierra Madre occidentale, Mexique). En y développant une réflexion de haut vol en lien avec le statut du corps dans la pratique chamanique telle qu’observée par lui au Mexique, mais aussi et surtout en y plaidant pour la reconnaissance d’une pluralité médicale propre à inclure toutes les formes de thérapies – occidentales ou pas, biomédicales ou pas – Ilario Rossi a posé les jalons de ce qui allait devenir l’un des fils rouges principaux de sa réflexion tout au long de sa carrière : le pluralisme médical. Il a été l’un des premiers à interroger ce phénomène sous l’angle anthropologique, en particulier à l’heure de la globalisation et de ce que l’on nomme désormais la santé mondiale. Il a par la suite interrogé ces notions lors de terrains de recherche en Afrique (en particulier au Sénégal et au Burkina Faso) et en Asie (notamment en Inde), là où l’ont mené ses intérêts scientifiques et pédagogiques.
Lorsqu’il a été recruté en 1998 comme professeur associé au sein de l’Institut d’Anthropologie et de Sociologie (qui a depuis lors fusionné avec d’autres instituts pour donner naissance à l’actuel Institut des Sciences Sociales), Ilario Rossi a enrichi l’UNIL d’un domaine de compétence important. L’anthropologie médicale et de la santé, ainsi que l’anthropologie du corps, sont alors devenues sous son impulsion des domaines incontournables du cursus de notre formation en sciences sociales. Fortement impliqué dans l’enseignement, il a présidé la Commission de l’enseignement en sciences sociales de 2008 à 2011 et a été, jusqu’à ce que la maladie l’en empêche, responsable de la filière du master en santé. Apprécié des étudiant·e·s non seulement pour son apport scientifique mais aussi pour son charisme et son franc parler, Ilario Rossi a été à l’origine de nombreuses vocations scientifiques, les étudiant·e·s choisissant de se lancer dans une thèse après avoir suivi l’un de ses cours n’étant pas rares.
Au fil des années, Ilario Rossi est intervenu en tant que professeur invité dans de nombreuses institutions étrangères, telles que l’Université de Laval, l’Université d’Aix-en Provence ou encore l’Università degli studi La Sapienza de Rome, faisant ainsi rayonner l’UNIL et notre Faculté à l’international. Son indéniable expertise dans le domaine de l’anthropologie médicale et de la santé l’ont aussi conduit à s’impliquer dans de nombreux projets scientifiques et pédagogiques en lien avec différentes institutions, notamment l’Office Fédéral de la santé Publique (OFSP, Berne), la Division Autonome de Médecine psycho-sociale (DAMPS, CHUV – UNIL), la Policlinique Médicale Universitaire (PMU), le Département de médecine et santé communautaire (DUMSC) et la Faculté de Biologie et médecine de l’UNIL.
Il est impossible d’être exhaustif quant aux nombreux réseaux de recherche dont Ilario Rossi a fait partie, mais parmi les derniers projets qui lui ont tenu à cœur, il en est certains que l’on ne peut passer sous silence. En premier lieu, il a été en 2013 membre fondateur du réseau SAMP (Santiniketan Anthropology and Medicine Project), projet associant l’IUMF/FBM (UNIL), l’Institut et Haute Ecole de la Santé la Source (Lausanne), SFTG (Paris), l’University Visva Bharati of Santiniketan (Inde) et le laboratoire THEMA (ISS/SSP, UNIL). Dans le cadre de ce réseau, il accompagnait chaque année des étudiant·e·s en médecine, en soins infirmiers, en anthropologie et en travail social afin de les encadrer conjointement avec ses collègues des autres disciplines lors d’un travail de terrain interprofessionnel en milieu rural indien (populations tribales Santal) sur des thématiques de santé.
En second lieu, Ilario Rossi a créé en 2015 le réseau PASSE (Pédiatrie et Anthropologie de la Santé au Service de l’Enfant), en collaboration avec le Dr Mario Gehri, directeur de l’Hôpital de l’Enfance (HEL). Le réseau de recherche et de collaboration PASSE marque la convergence du dialogue entre sciences sociales et sciences médicales, en promouvant les recherches en sciences humaines au sein des institutions hospitalières pédiatriques. Dans ce contexte, deux travaux de doctorat financés par le FNS et plusieurs mémoires de master ont été réalisés dans une perspective de recherche-action, constituant ainsi un pont entre Science et Cité.
A notre très grand regret, Ilario Rossi nous a quittés prématurément, injustement, à deux ans de la retraite. Il laisse à l’UNIL un héritage scientifique riche souligné par de très nombreuses publications. Merci Ilario.
Rédigé par Daniela Cerqui Ducret avec des contributions de Lucia Candelise, Daniel Widmer & André Berchtold