Le passage en ligne pendant le confinement dû au Covid19 a amené les enseignant·e·s et les étudiant·e·s à s’organiser différemment. La situation a notamment permis de mener de nouvelles expérimentations pédagogiques et, dans certains cas, d’utiliser de nouveaux outils pour enseigner et apprendre, comme par exemple la méthode appelée pédagogie inversée.
Bien que la méthode soit née dans les années 90, c’est avec la popularisation de l’internet qu’elle connait du succès.
« Il s’agit d’un inversement de la logique des cours magistraux » explique Mariana Vieira, ingénieure pédagogique de la Faculté des SSP. « Les étudiant·e·s effectuent à la maison ce qu’ils·elles effectueraient habituellement en salle (apprendre la matière en écoutant l’enseignant·e) et ils·elles font en classe ce qu’ils·elles feraient normalement chez elles·eux (des exercices, synthèses etc.). Dans cette logique, la salle de cours/auditoire devient un lieu qui permet aux étudiant·e·s d’évaluer et de mobiliser leur compréhension de la matière par le biais d’exercices (souvent en groupe). Pour ce faire, ils·elles doivent se préparer à l’avance, en faisant des lectures ou/et en visualisant des vidéos sur la matière. »
Un exemple concret
Samina Mesgarzadeh, responsable du cours « Introduction à la recherche » pour l’année académique 2021-2022, nous explique la manière dont elle a mis en place la pédagogie inversée dans son cours.
Comment avez-vous organisé votre enseignement ?
Le cours est structuré autour de thèmes abordés en 1 à 2 séances. Ces thèmes sont exposés dans des vidéos de cours mises à disposition des étudiant·e·s sur Moodle, accompagnés d’un PowerPoint détaillé et, le cas échéant, de lectures obligatoires et complémentaires. Le cours est organisé sous forme de classe inversée : les étudiant·e·s prennent connaissance de la matière du cours et des lectures « hors classe », et à l’issue de chaque thème abordé, une séance a lieu en auditoire. Celle-ci est consacrée aux questions des étudiant·e·s et/ou à des exercices d’apprentissage actif de divers types : compréhension, restitution et illustration d’éléments présentés dans la vidéo de cours et dans les textes obligatoires ; réalisation d’une synthèse sous forme de tableau ; identification d’une approche méthodologique présentée à partir d’un extrait d’article scientifique ; commentaire de citation ; mise en situation ; exercice sur la base d’un article de presse. Il s’agit ainsi de profiter des séances en auditoire pour identifier les éléments de cours ou de lectures nécessitant des explications complémentaires et pour accompagner les étudiant·e·s dans l’appropriation de la matière abordée.
Quels avantages et inconvénients (ou difficultés) rencontrez-vous avec cette approche pédagogique par rapport à l’approche ex-cathedra ?
Le premier avantage à mon sens de cette approche pédagogique est d’institutionnaliser la place accordée aux questions des étudiant·e·s : durant les séances en auditoire, au minimum une trentaine de minutes est réservée aux questions des étudiant·e·s, qui sont invité·e·s en amont de la séance à préparer des questions, pouvant être posées sur Wooclap ou par oral. Ce dispositif a bien fonctionné à mon sens, les étudiant·e·s n’hésitant pas à me demander de « ré-expliquer » un élément abordé dans les vidéos de cours ou de l’illustrer par un autre exemple. Dans les enseignements ex-cathedra, je n’ai pas souvenir d’étudiant·e·s me demandant de « ré-expliquer » un élément du cours (en formulant la question telle quelle). A mon sens, cela montre que ce dispositif donne le temps aux étudiant·e·s d’identifier des éléments qui n’ont pas été compris, et le sentiment d'être autorisé·e·s à ne pas saisir d’emblée la matière. En outre, le temps consacré aux questions des étudiant·e·s a parfois donné lieu à une véritable dynamique collective durant les séances, les étudiant·e·s réagissant aux questions posées par d’autres personnes. Enfin, ce temps a permis d’aller parfois au-delà du contenu exposé dans les vidéos de cours, avec des échanges stimulants initiés par les questionnements des étudiant·e·s.
Le deuxième avantage de ce fonctionnement en classe inversée réside dans une saisie en cours d’année par l’enseignante – et par les étudiant·e·s – de ce qui a ou non été suffisamment compris, retenu, et approprié pour pouvoir être identifié, illustré ou appliqué (dans le cadre d’une mise en situation). Cette saisie est cependant partielle à deux égards au moins : d’une part, seule une partie des étudiant·e·s effectue les exercices d’apprentissage actif durant les séances en auditoire et, d’autre part, ces exercices ne peuvent pas porter sur l’ensemble des éléments abordés.
S’agissant des difficultés de cette approche pédagogique par rapport à l’approche ex-cathedra, je pense qu’elle peut s’avérer relativement lourde à mettre en place pour les enseignant·e·s. A cet égard, j’ai eu la chance de bénéficier de l’aide d’assistant·e·s-étudiant·e·s avec qui nous avons réfléchi au format informatique le plus adapté pour les exercices d’apprentissage actif et qui m’ont aidée à survoler les réponses apportées aux exercices en un court laps de temps, afin de faire un retour aux étudiant·e·s durant les séances en auditoire.
« Inverser l’enseignement nécessite une très bonne organisation de la part de l’enseignant·e » confirme Mariana Viera. « Le planning doit être défini à l’avance, ainsi que toutes les tâches demandées aux étudiant·e·s. Parfois le suivi en ligne est nécessaire : réagir sur un forum, ou récupérer des questions posées par les étudiant·e·s. Le cadrage du cours est donc plus important que celui d'un cours de type magistral. »
Résumé des principes de la pédagogie inversée
Conseils pratiques
Références
Beatty. B.J. (2019). Costs and Benefits for Hybrid-Flexible Courses and Programs. Dans Hybrid-Flexible Course Design – Implementing student-directed hybrid classes. EdTech Books. URL: https://edtechbooks.org/hyflex
Guilbault. M. et Viau-Guay.A. (2018). La classe inversée comme approche pédagogique en enseignement supérieur : état des connaissances scientifiques et recommandations. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 34(1) URL: https://doi.org/10.4000/ripes.1193
Lage M, Platt G et Treglia M. (2000). Inverting the Classroom: A Gateway to Creating an Inclusive Learning Environment. The Journal of Economic Education, 31(1) URL: https://www.jstor.org/stable/1183338
Nizet I. et Meyer.F. (2017). Inverser la classe : effets sur la formation de futurs enseignants. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 32(1) URL: https://doi.org/10.4000/ripes.1059