L’ex-présidente de la Commission Egalité Diversité et Intégration (EDI) de la FBM a pris en charge en août 2021 le dicastère de la Relève académique, répondant au souhait du Doyen Manuel Pascual de lui donner une couleur plus « égalitaire ».
Au dicastère de la Relève académique et égalité, on réfléchit « plan de carrière ». Mais dans les faits, les carrières empruntent souvent des chemins peu linéaires et dépendent autant des rencontres et des opportunités, que des « plans » de campagne. Christine Sempoux en sait quelque chose : car au départ, la médecin pathologue voulait « soigner les gens ». Enfant, elle avait contracté une méningite et avait été marquée par l’attitude de son médecin de famille : « Sa bienveillance, son calme et ses mains fraiches sur mon front étaient comme un remède magique à mes maux de tête ». C’est à cet épisode qu’elle fait remonter sa vocation, elle qui n’est pas née dans une famille de médecins.
Mais en 3e année de médecine, à l’Université catholique de Louvain (UCL), elle découvre… le microscope. Elle se passionne pour l’étude des cellules et des tissus, pour ce qui distingue le pathologique du normal ; elle aime observer, elle a une excellente mémoire visuelle et la pathologie satisfait son « vilain défaut », la curiosité. Ou plutôt, sa volonté de comprendre le pourquoi et le comment des maladies. Elle opte donc pour la pathologie – elle fait partie du petit pourcent d’étudiantes et d’étudiants qui choisissent cette spécialisation. Ce qui la motive aussi, c’est qu’à côté de la clinique, Christine Sempoux entend faire de la recherche, et que cette spécialité, par essence, est à la jointure de ces deux activités.
De son père, professeur à la Faculté des lettres de l’UCL, elle a reçu le goût d’apprendre et la passion de transmettre ; c’est dans le monde universitaire qu’elle se reconnaît. L’orientation vers la pathologie digestive et hépato-bilio-pancréatique se fera, elle, un peu par hasard : un doctorat en pathologie pancréatique endocrine sous l’égide d’un mentor exceptionnel, une porte qui s’ouvre dans un service, une bourse mise au concours avec un séjour aux États-Unis à la clé, sont les différentes pièces d’un puzzle qui font qu’elle est aujourd’hui une experte du domaine. C’est sur le foie que se concentrent ses recherches les plus récentes, avec des collaborations transatlantiques et, entre autres, sa participation au très sélect International Liver Pathology Study Group, panel d’une quinzaine d’experts mondiaux de la pathologie du foie, surnommés les… « Elves ».
Non à la pensée unique
Arrivée à Lausanne en 2014, professeure ordinaire de l’UNIL et médecin-cheffe à l’Institut de pathologie du CHUV, elle est rapidement démarchée pour prendre la vice-présidence de la Commission ProFemmes, devenue Commission Egalité, Diversité et Intégration (EDI), qui vise à promouvoir les carrières académiques féminines : car plus on grimpe dans les échelons, plus les femmes ont tendance à disparaître. « Ma vice-présidence, puis ma présidence de la Commission EDI ont été pour moi un apprentissage en accéléré de l’UNIL, de la FBM, des spécificités de ses deux Sections, celle des sciences fondamentales et celle des sciences cliniques (SSF et SSC), ainsi que du CHUV ; j’ai pu m’imprégner des problématiques de l’hôpital et de la recherche, des enjeux facultaires, mais surtout j’ai pu rencontrer les personnes et découvrir la diversité de leurs parcours, professionnels et privés. »
Et c’est dans la continuité de ce travail que Manuel Pascual, alors en campagne pour le poste de Doyen, l’a contactée au printemps 2021 : « Il voulait donner une dimension « égalité » au dicastère Relève, d’ailleurs rebaptisé Relève académique et égalité (ndlr : anciennement Relève académique et plans de carrière). » « Travailler au dicastère de la Relève c’est avoir la chance de découvrir une pépinière de talents, comme le dit souvent mon adjointe Catherine Saib, c’est une extraordinaire possibilité de rencontrer ses collègues, et, surtout pour les plus jeunes d’entre eux, de connaître leurs travaux, de les conseiller et de voir les liens possibles, notamment entre SSC et SSF. Mais c’est aussi un défi !» estime Christine Sempoux, consciente notamment de la complexité de la FBM, dont les deux filières ont des us et coutumes différents. « Toutefois, il y avait la volonté conjointe du Doyen et du nouveau Recteur, le Pr Frédéric Herman, de s’investir pour l’égalité, une belle dynamique au sein de l’équipe décanale, centrée sur un partage de valeurs communes, une excellente équipe d’adjointes et d’adjoints que j’avais déjà côtoyés et appréciés, j’ai jugé qu’il y avait un bon alignement des planètes », s’amuse la professeure.
Mais laissons là Mars et Vénus. Christine Sempoux veut « promouvoir l’altérité dans le monde académique, c’est-à-dire une représentation féminine suffisante pour qu’il y ait d’autres modes de pensée, de leadership », des facteurs selon elle « essentiels pour motiver la jeune relève académique ». « Cette nouvelle relève, les hommes aussi bien que les femmes, a d’autres aspirations ; ils et elles ne misent plus à 100% sur leur carrière, mais veulent aussi avoir du temps pour eux, pour leur famille, pour un engagement sociétal. Et c’est un sacré défi de s’organiser pour concilier tout cela, du côté de la science, où la concurrence est très rude, notamment pour l’obtention de financements et du côté de la clinique, où notre investissement – on peut parler de dévouement – a tendance à prendre toute la place, on peut être emporté… ».
Où sont les femmes ?
Voilà la quadrature du cercle que doit résoudre la nouvelle vice-Doyenne à la Relève académique et à l’égalité. Sans se démonter, elle entend y faire face avec « bienveillance », en étant très claire sur les procédures. Certes la chape réglementaire est contraignante, mais cela ne doit pas être tétanisant : « Ce qui compte tout d’abord pour quelqu’un qui envisage une carrière académique, c’est l’envie de se lancer et de s’investir. En parallèle vient l’environnement : est-il favorable, risque-t-il au contraire de décourager les velléités de carrière académique ? Comment peut-on le rendre plus motivant et la carrière académique plus accessible ? »
Et pourquoi, à un moment, perd-t-on les femmes ? « L’explication couramment avancée, c’est celle de la difficulté à concilier vie professionnelle et vie familiale, et il est vrai que les organisations actuelles sont encore trop peu pensées en ce sens. Mais pour moi, c’est un raccourci inadéquat, une vue beaucoup trop courte. Outre que cela suppose des rôles préétablis entre femmes et hommes, un schéma qui évolue et qu’on devrait avoir dépassé, je pense qu’il y a de nombreux autres facteurs qui entrent en ligne de compte : notamment, à mon avis, une forme de désenchantement, les femmes – sans faire de généralités – se reconnaissant en majorité moins dans un monde fondé sur la compétition et le jeu politique, et perdent sans doute en partie leur motivation en perdant le sens de ce qu’elles font. »
A l’inverse, les hommes seraient plus « dans le moule », soumis à une forte pression, inculquée très tôt, « à ne pas lâcher », qui peut aussi être mal vécue. « Ce ne sont que des hypothèses, mais le résultat est là : en termes de carrière académique, on observe une sélection naturelle qui favorise des profils plutôt masculins, ce qui entretient le phénomène ». Il est donc temps, pour la vice-Doyenne, de faire évoluer le système : « Je voudrais qu’il soit possible pour chacune et chacun d’être ce qu’il est, authentique, sans avoir besoin d’endosser un costume, de se conformer aux attentes liées au genre ou aux schémas sociétaux. Rappelons-le, la diversité est une richesse, c’est même peut-être la principale richesse d’une université, la garantie de sa créativité.»
Et cette diversité, dépassant le genre, mais s’attachant aussi aux parcours professionnels, aux trajectoires de vie, aux aspirations, est ce qui devrait permettre à la FBM, et au dicastère Relève académique et égalité en particulier, de faire face à un autre gros enjeu : celui de la médecine hautement spécialisée et de l’évolution de l’hôpital académique, dont les orientations prioritaires, pour la FBM, restent à définir.