Des chercheurs ont arpenté Dorigny entre 2017 et 2021 pour dresser l’état de la biodiversité du campus.
Jamais encore une étude à large échelle de la biodiversité du campus de l’UNIL n’avait été menée. C’est désormais chose faite, sur l’initiative de deux anciens doctorants au Département d’écologie et évolution de la Faculté de biologie et de médecine. Les résultats donnent lieu à une publication, chapeautée par la FBM, la Faculté des géosciences et de l’environnement et le récent Observatoire de la Biodiversité de l’UNIL, dans le dernier bulletin de la Société Vaudoise des Sciences Naturelles. « Peu de régions ont en réalité déjà dressé un inventaire aussi complet, souligne Pascal Vittoz, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre. Regrouper ainsi différents spécialistes de plusieurs domaines sur un même site se fait très peu », continue le biologiste.
S’il ne s’agit pas d’un inventaire parfaitement exhaustif, il se focalise toutefois sur six groupes différents qui composent une large partie de la biodiversité du campus : les plantes, les coléoptères, les lépidoptères (papillons de jour), les odonates (libellules), les oiseaux et enfin les chiroptères (chauves-souris). Des groupes considérés comme de bons indicateurs de la biodiversité, de la structure des écosystèmes et des conditions écologiques locales, précise encore le chercheur.
Les caractéristiques de Dorigny
Selon les auteurs de l’étude, l’UNIL présente un intérêt particulier en termes de biodiversité par la nature des lieux. Un espace de 90 hectares, où se mêlent rivière, lac, surfaces construites, forêts, prairies maigres. Le tout dans un milieu urbain. « À travers ce premier inventaire à grande échelle, on constate une bonne diversité de plantes, avec plus de 500 espèces, mais une faible diversité pour les papillons. On aurait pu s’attendre à plus, au regard de la richesse floristique », raconte Pascal Vittoz. Un phénomène en partie dû à la nature urbaine de Dorigny selon le biologiste. « Nous sommes un petit ilot avec de petites prairies, très éloignées d’autres prairies identiques. Le cloisonnement des écosystèmes se ressent particulièrement chez les petits insectes présentant une durée de vie assez courte et aux déplacements géographiques limités ».
À retenir en premier lieu donc le contraste de richesse entre groupes. « On peut être contents de la diversité des plantes ou des oiseaux, avec 42 espèces nicheuses. Preuve de la diversité des milieux. Mais on voit aussi que les milieux sont parfois trop petits. Notamment avec les libellules dont seulement six espères ont été recensées », constate Pascal Vittoz.
Si des informations manquent dans une perspective historique, l’étude montre toutefois que Dorigny subit aussi l’érosion de sa biodiversité. Un fait dû à plusieurs facteurs, comme le changement d’affectation des lieux pour devenir un campus universitaire au début des années 1970, ou le contrôle du niveau du lac à la fin du 19e siècle. « Nous manquons effectivement de données anciennes. Nous ne savons donc pas tout ce qui a disparu. Mais nous avons pu mettre en avant la perte de plantes des marais parmi les plus grosses disparitions, Dorigny ne possédant plus de zone marécageuse. À la fin du 19e siècle, une lagune bordait le lac au niveau des terrains de sport actuels. Inversement, la situation dans les prairies s’est probablement améliorée ces dernières décennies, suite à la mise en place d’une gestion plus extensive des espaces verts. »
À noter aussi évidemment la présence à Dorigny d’espèces rares, menacées à l’échelle nationale. Comme Harpalus pumilus, un coléoptère terrestre qui semblait avoir disparu du canton de Vaud. Côté oiseaux, l’étude relève aussi par exemple le recensement d’espèces menacées et vulnérables, dont certaines prioritaires pour des mesures de conservation ciblées, comme le Martin-pêcheur d’Europe, le Martinet noir et le Faucon crécerelle.
Un outil pour le futur
L’inventaire aujourd’hui établi permet à l’UNIL de disposer d’un regard à large échelle de sa biodiversité. D’un outil qui permettra aussi de réduire l’impact de l’agrandissement du campus et des futures constructions. « Nous sommes par exemple en discussion avec les services concernés pour voir dans quelle mesure il est possible de réduire l’éclairage sur le site de Dorigny la nuit, puisque nous sommes conscients aujourd’hui de l’impact de l’éclairage nocturne sur les espèces », indique Pascal Vittoz, coresponsable de la publication.
L’idée consiste aussi à mettre en place des suivis ponctuels pour garder une vision fine de l’état de la biodiversité du campus. « De façon générale, nous sommes conscients que la biodiversité diminue en Suisse. Ce qui manque souvent, ou ce qui a manqué pendant longtemps, ce sont les chiffres. Nous disposons évidemment d’indications et d’observations passées, mais trop disparates pour avoir une valeur scientifique ou pour être utilisées sur le plan politique. Le but est donc maintenant d’appliquer des méthodes standardisées, comme le Monitoring de la biodiversité qui existe depuis 20 ans en Suisse, pour l’appliquer à de plus petites surfaces », conclut le chercheur.
En chiffres
502 espèces de plantes dont 422 indigènes
129 espèces de coléoptères
72 espèces d’oiseaux dont 42 nichant à Dorigny
17 espèces de lépidoptères
8 espèces de chiroptères
6 espèces d’odonates