Une étude menée par le professeur Ivan Stamenkovic au Service de pathologie expérimentale du CHUV montre qu’interférer dans le métabolisme du cholestérol peut fortement réduire la croissance tumorale. Publié le 4 janvier 2022 dans le journal "Life Science Alliance", cet article constitue l’aboutissement de la riche et longue carrière de ce spécialiste de la biologie du cancer à la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l’UNIL.
Les tumeurs malignes sont presqu’invariablement accompagnées de nécrose – une mort prématurée des cellules dans le tissu vivant – ceci en raison de leur tendance à croître plus rapidement que le réseau vasculaire qui les irrigue. Parallèlement, chez les personnes au bénéfice d’une chimiothérapie, des cellules tumorales meurent également par nécrose. Or si une nécrose étendue est considérée comme un signe de réponse favorable au traitement, son effet sur les cellules cancéreuses résiduelles n’est pas forcément bénéfique pour le/la patient·e. En effet, la nécrose déclenche toujours une réponse inflammatoire du tissu hôte qui peut contribuer à la progression de la maladie. Cependant, les effets des débris nécrotiques (restes des cellules mortes par nécrose) sur les cellules cancéreuses elles-mêmes restent peu connus.
Un cancer de l’os pour modèle
En étudiant le sarcome d’Ewing, une tumeur maligne au niveau des os et des tissus mous, l’équipe d’Ivan Stamenkovic, professeur honoraire à la FBM et responsable du Service de pathologie expérimentale du Département formation et recherche du CHUV, a exploré les effets des débris nécrotiques sur les cellules tumorales. Celles-ci ont été cultivées en trois (organoïdes, plus proches de notre physiologie réelle) et en deux dimensions (manière classique de cultiver les cellules). «Nous avons observé que ces débris promeuvent la croissance des organoïdes issus du sarcome d’Ewing ainsi que celle des tumeurs in vivo chez la souris. Le mécanisme responsable de cette progression du cancer est associé à l’augmentation de la synthèse du cholestérol observée chez les cellules cancéreuses cultivées en trois dimensions», explique le directeur de l’étude.
Parallèlement, Sampath Katakam, postdoctorant dans l’équipe d’Ivan Stamenkovic, a découvert que l’activation de la plateforme de signalisation STING (pour Stimulator of interferon genes), qui joue un rôle clé dans l’immunité, inhibe le développement de la tumeur en diminuant la synthèse du cholestérol. En d’autres termes, STING contrecarre l’effet des débris nécrotiques et, en synergie avec les statines, des traitements largement administrés pour baisser le taux de cholestérol, réduit fortement la croissance tumorale.
Ces observations suggèrent que les molécules activant STING, en combinaison avec des statines, qui de surcroît ont un puissant effet anti-inflammatoire, pourraient constituer une approche attrayante pour freiner la croissance tumorale et pour neutraliser les effets indésirables de la chimiothérapie sur la prolifération des cellules cancéreuses résiduelles. «Cette stratégie pourrait être applicable à une large variété de tumeurs malignes, particulièrement celles qui, comme le sarcome d’Ewing, ont une synthèse élevée de cholestérol», se réjouit le chercheur.
>> Découvrir l’article publié le 4 janvier 2022 dans Life Science Alliance
Un parcours au service de la FBM et de ses étudiant·e·s
Cette publication constitue l’aboutissement de la riche et longue carrière d’Ivan Stamenkovic à la FBM. Titulaire d’un doctorat en médecine de l’Université de Genève, le médecin fait ses premières armes à la Harvard Medical School et au Massachusetts General Hospital, à Boston. De 1992 à 2001, il y dirige la Division de pathologie moléculaire du Département de pathologie.
Le spécialiste rejoint Lausanne en 2001 en tant que responsable de la pathologie expérimentale, coresponsable de l’Institut de pathologie du CHUV et professeur ordinaire à la FBM. Tout au long de sa carrière, Ivan Stamenkovic s’investit fortement dans la vie de la Faculté: il est vice-Doyen à la recherche de 2007 à 2012, ainsi que membre puis président (2016-2020) de la Commission MD-PhD.
Côté recherche, le professeur a publié près de 200 articles dans de nombreuses revues scientifiques de référence telles que Cell, Cancer Cell, Nature, Genes & Development et Journal of Experimental Medicine.
Côté enseignement, il est salué à maintes reprises par les étudiant·e·s en médecine pour l’excellence de sa rhétorique, sa disponibilité et son dévouement. Ses élèves lui attribuent, en 2018, le Prix du meilleur professeur de l’École de médecine, toutes années confondues. «Une distinction qui me tient particulièrement à cœur», confie le récipiendaire.
Ivan Stamenkovic compte également plusieurs FBM Awards à son palmarès. En 2018, il remporte le Outstanding Mentoring Award puis, aux portes de la retraite, le Lifetime Achievement Award 2021 qui le récompense «pour son engagement et sa vision au sein de notre institution et pour ses contributions exceptionnelles à la médecine, à l'immunologie et à la biologie du cancer, en particulier pour ses avancées scientifiques majeures dans le domaine de la recherche sur les sarcomes».