Une équipe de dix étudiant·e·s en biologie de l’UNIL a été primée lors de la finale de la compétition iGEM (International Genetically Engineered Machine) qui s’est tenue en ligne du 4 au 14 novembre 2021. Son projet, qui vise à protéger les abricotiers du gel, a notamment raflé la première place dans la catégorie «Alimentation et nutrition».
Au printemps dernier, des épisodes de gel détruisaient l’essentiel des récoltes d’abricots dans la plaine du Rhône. Un thème tout trouvé pour dix étudiant·e·s en bachelor de biologie à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL qui, au même moment, souhaitaient se lancer dans la compétition iGEM, le plus large concours international de biologie synthétique. Cette discipline, au croisement entre biologie et ingénierie, se base essentiellement sur la transformation génétique de micro-organismes (comme des bactéries) à des fins utiles, par exemple la création de médicaments ou de moyens de lutte biologique.
Encadrée et coachée par Yolanda Schaerli (professeure assistante au Département de microbiologie fondamentale et membre du pôle de recherche national PRN microbiomes) et cinq assistant·e·s, l’équipe s’est penchée sur le développement de méthodes pour protéger les fleurs d’abricotiers du gel. En d’autres termes, rendre les plantes résistantes aux aléas météorologiques.
À l’assaut du froid
Les biologistes en herbe ont imaginé trois approches différentes dans le cadre de leur projet, baptisé Aprifreeze. «La première, et la plus prometteuse, consiste à utiliser des protéines antigel qui existent naturellement chez des organismes capables de survivre à des températures très basses, notamment certains poissons», explique Yolanda Schaerli. L’idée est de produire ces protéines antigel en laboratoire puis de les vaporiser sur les fleurs d’abricotiers afin de prévenir la formation de cristaux de glace lors de froides nuits de printemps. «Les premiers essais réalisés sur l’arabette des dames (Arabidopsis thaliana), une plante largement utilisée en recherche, sont encourageants», se réjouit la spécialiste.
Mais le froid n’est pas le seul à détruire les abricotiers. Une bactérie appelée Pseudomonas syringae pv. syringae présente à la surface des feuilles et des fleurs amplifie le problème car elle produit une protéine qui accélère la formation de cristaux de glace sur la plante. Les deux autres approches imaginées par les étudiant·e·s visent à réduire l’effet néfaste de cette bactérie.
La deuxième consiste ainsi à utiliser des tailocines, des complexes de protéines synthétisées par des bactéries afin de combattre et détruire leurs consœurs. Il s’agit dans ce cas d’appliquer des tailocines sur les végétaux afin de tuer de manière ciblée Pseudomonas syringae pv. syringae.
Troisième approche envisagée dans le cadre du projet: l’utilisation de phages, des virus n’infectant que des bactéries. Le but est d’exploiter un virus non pas pour tuer la bactérie problématique mais pour modifier son génome et empêcher la production de protéines accélérant la formation de cristaux de glace. En d’autres termes, éliminer grâce à la méthode CRISPR-Cas9 (dite des «ciseaux génétiques») le gène responsable de la synthèse de cette protéine néfaste. «Cette option trouve sa place dans un concours scientifique mais reste relativement utopiste, nuance Yolanda Schaerli. Elle implique en effet la création d’un organisme génétiquement modifié sur le terrain, ce qui est actuellement interdit en Suisse.»
Quand coopération rime avec décorations
Pandémie oblige, la finale de la compétition iGEM a une nouvelle fois eu lieu en ligne, du 4 au 14 novembre 2021. Au total, près de 350 équipes issues de 46 pays ont participé au concours. En plus des démarches purement scientifiques, les étudiant·e·s de l’UNIL, tout comme leurs concurrent·e·s, ont mis sur pied un wiki et présenté leurs travaux en vidéo. En parallèle, ils ont également créé une série de podcasts «Les OGMs en Suisse» avec leurs collègues de l’EPFL et, en collaboration avec L’éprouvette (le laboratoire science et société de l’UNIL), initié des jeunes à la biologie synthétique le temps d’un week-end.
À l’annonce des résultats, le 14 novembre dernier à Paris, Aprifreeze a remporté le prix du meilleur projet «Alimentation et nutrition», ainsi qu’une des médailles d’or. Les Lausannois·es étaient également nominé·e·s s dans quatre autres catégories et figurent parmi les 10 meilleures équipes «overgrad», catégorie qui réunit les groupes dont au moins un membre a plus de 23 ans.
L’UNIL prend part à cette compétition pour la deuxième année consécutive. Les participant·e·s de 2020 avaient notamment remporté le premier prix dans la catégorie «Meilleure mesure». Le projet portait sur le développement de probiotiques pour lutter contre le cancer du côlon (plus d’informations).