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Le « Prix Genre - Égalité femme-homme », attribué pour la quatrième année consécutive, sera décerné à Madame Adeline Lebrun, titulaire d’une Maîtrise universitaire ès Sciences en psychologie de l’Université de Lausanne, lors de la Cérémonie d’ouverture des cours de la Faculté.
Laure Kaeser, Chargée de projet Relève et Egalité, a échangé avec la lauréate, qui est aujourd’hui psychologue-conseillère en orientation au Centre d’orientation professionnelle de Bienne.
Toutes nos félicitations pour l’obtention de votre Prix ! Qu’avez-vous éprouvé ?
Surtout une grande surprise puisque la nouvelle arrive un an après la soutenance et que je n’avais aucune idée que mon travail avait été proposé pour un prix ! Je suis également heureuse que la thématique de la diversité dans le cadre du conseil en orientation scolaire et professionnelle puisse être mise en avant grâce à ce prix. Et finalement, beaucoup de reconnaissance envers mon directeur de mémoire, Jonas Masdonati.
Votre mémoire de master traite de la question du choix professionnel des personnes s’identifiant comme lesbiennes, gays ou bisexuelles (LGB). Pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Un mémoire représente un investissement en temps et en énergie conséquent et pour moi il était primordial de me motiver en trouvant du sens à ce travail. En tant que femme afrodescendante née en Suisse, je me sens intimement touchée par les questions ayant trait au développement identitaire en tant que minorité sociale. Durant ma spécialisation en Master, j’ai pu constater le manque de littérature abordant ces questions dans le champ de l’orientation scolaire et professionnelle. C’est donc tout naturellement que j’ai voulu me pencher sur ce type de thématique. Il s’avère qu’en tant que conseillères en orientation professionnelle, nous avons souvent affaire à un public adolescent, qui se trouve confronté simultanément aux questions identitaires et à celle du choix professionnel. J’ai voulu comprendre ce qui se jouait à ce moment-là pour des jeunes qui se questionnent sur leur orientation sexuelle dans un contexte social où l’hétérosexualité est la norme.
Que pensez-vous que votre mémoire puisse apporter à la recherche et/ou la pratique en psychologie ?
Mon ambition principale était de démontrer que les questions identitaires touchant à la diversité sexuelle ne peuvent pas être mises sous le tapis dans le champ de l’orientation scolaire et professionnelle. Il est important de relever qu’il ne s’agit pas d’un lien direct entre orientation sexuelle et choix d’un métier, mais de l’interaction entre expérience de vie liée à une orientation sexuelle minoritaire d’une part, et processus d’orientation professionnelle d’autre part. Ma recherche montre que sur 11 personnes, 9 déclarent que les questions d’orientation sexuelle ont joué un rôle dans leur choix professionnel. Trois profils ressortent de ces entretiens. Dans le premier groupe, l’expérience de vie – en particulier les difficultés à se définir, le sentiment de solitude face à de telles questions ou le harcèlement scolaire – a participé à définir le métier choisi par les participant·e·s. Par exemple : par son métier, vouloir soutenir des jeunes s’identifiant comme LGB afin d’éviter qu’iels ne vivent les mêmes difficultés ; vouloir intervenir auprès d’enfants afin de développer des valeurs d’ouverture. Dans le deuxième groupe, c’est le processus du choix professionnel qui a été impacté par les questionnements d’identité sexuelle. Par exemple, en consacrant son énergie aux questionnements identitaires, il reste peu de ressources mentales pour les questions liées au choix professionnel et celles-ci passent en second plan et sont procrastinées. Ou alors, par crainte de stigmatisation, le champ des possibles est limité et certaines aspirations ne sont pas réalisées. Il existe un troisième groupe pour lequel les questionnements d’identité d’orientation sexuelle et de choix professionnel ne semblent pas liées. Ces résultats n’ont pas la prétention à l’exhaustivité. J’espère simplement qu’ils contribueront à sensibiliser mes collègues aux questionnements identitaires liés à la diversité sexuelle et à les encourager à se documenter sur la question afin que toute personne puisse bénéficier d’un conseil de qualité répondant à ses réels besoins dans un cadre sécurisant.
L’interdiction de l’homophobie est désormais inscrite dans le code pénal et la Suisse s’apprête à voter sur le mariage pour tous. En dépit de ces avancées, quels chantiers vous semblent encore inachevés en ce qui concerne les questions LGB ?
Dans les entretiens menés pour cette recherche, il a régulièrement été fait mention du fait que l’école n’aborde pas suffisamment – voire pas du tout – les questions liées à la diversité sexuelle et que les modèles auxquels s’identifier sont rares, ce qui rend le travail de construction identitaire complexe et difficile. De plus, il reste toujours fortement risqué d’afficher une expression de genre ne correspondant pas aux normes fortement binarisées en vigueur dans notre société ou des marques d’affection au sein d’un couple identifié comme homosexuel dans l’espace public.
Vous êtes aujourd’hui psychologue - conseillère en orientation. Comment envisagez-vous la suite de votre parcours académique et professionnel ?
Mon Master a été une reconversion professionnelle à laquelle j’ai consacré six ans de ma vie. En parallèle de mon stage de Master, j’ai eu la chance d'occuper un poste au sein de classes d’accueil du post-obligatoire à Lausanne, ce qui m’a permis d’acquérir une première expérience professionnelle enrichissante. Cet été, j’ai été engagée au Centre Orientation professionnelle de Bienne dans un poste très varié. Aujourd’hui, je souhaite développer ma pratique professionnelle et retrouver un certain équilibre de vie.